Titre : A moi seul bien des personnages
Auteur : John Irving
Éditeur : Seuil
Littérature américaine
Traducteur : Josée Kamoun, Olivier Grenot
Nombre de pages : 480
Date de parution : avril 2013

Auteur :
John Irving, né en 1942, a grandi dans le New Hampshire. Depuis la parution du Monde selon Garp, il accumule les succès tant auprès du public que de la critique. À moi seul bien des personnages est son treizième roman.

Présentation de l’éditeur :
Adolescent, Bill est troublé par ses béguins contre nature pour son beau-père, ses camarades de classe, et pour des femmes adultes aux petits seins juvéniles… Plus tard, il assumera son statut de suspect sexuel, et sa vie entière sera marquée par des amours inassouvies pour les hommes, les femmes et ceux ou celles qu’on appellera bientôt transgenres.
Dans ce roman drôle et touchant, jubilatoire et tragique, John Irving nous parle du désir, de la dissimulation et des affres d’une identité sexuelle « différente ». Du théâtre amateur de son enfance jusqu’au bar hot où se joue la révélation finale, en passant par la bibliothèque où la sculpturale Miss Frost l’initie — tout d’abord — à la littérature, le narrateur s’efforce de trouver un sens à sa vie sans rien nous cacher de ses frasques, de ses doutes et de son engagement pour la tolérance, pour la liberté de toutes les altérités.

Mon avis :
Tout ce que vous avez voulu savoir sur la bisexualité sans jamais avoir osé le demander. John Irving détaille avec des descriptions réalistes, naturelles et crues les pensées et relations de personnages à la sexualité différente. Mais, si certains lecteurs pourront être choqués, ce roman est bien davantage qu’un éventail de désirs et amours inavouables.
Le narrateur, Bill ou William, est aujourd’hui un écrivain célèbre de soixante dix ans et il raconte sa jeunesse et son éveil des sens. Elevé chez ses grands-parents jusqu’à l’âge de quinze ans, Il revient vivre chez sa mère et son nouveau beau-père Richard Abbott. Si il adore ce grand-père Harry, toujours prêt à se déguiser en femme pour les pièces de théâtre, il craint davantage les femmes Winthrop, sa grand-mère Victoria, sa mère et sa tante Muriel.
Grâce à Richard qui l’inscrit à la bibliothèque, il découvre la littérature et la sculpturale bibliothécaire, Miss Frost.
 » Nos désirs nous façonnent : il ne m’a pas fallu plus d’une minute de tension libidinale secrète pour désirer à la fois devenir écrivain et coucher avec Miss Frost- pas forcément dans cet ordre, d’ailleurs. »
Dans la littérature, Bill cherche à comprendre les « erreurs d’aiguillage amoureux » et découvre Dickens (De grandes espérances) et Baldwin ( La chambre de Giovanni). Car si Bill est un adolescent normal qui se découvre, il s’interroge sur son attirance pour son beau-père ou pour Kittredge, étudiant et lutteur de la Favorite River Academy ou pour les femmes aux petits seins telles Miss Frost. Son expérience avec son amie Elaine ne sera pas concluante mais elle restera à jamais sa meilleure amie et confidente.
 » Nous avons grandi à une époque où nous étions plein d’aversion pour notre différence sexuelle, parce qu’on nous avait fourré dans le crâne que c’était une perversion. »
En Europe, Bill pourra assumer sa sexualité, notamment grâce à la rencontre de l’écrivain Lawrence Upton surnommé Larry ( il n’y a sans doute aucun lien avec le vrai poète anglais du même nom) à Vienne dans les années 60. C’est lui qui lui fera prendre conscience, dans les années 80 de sa neutralité face aux malades du sida. Car la seconde partie du livre traite davantage de l’homophobie de la société et inévitablement des affections liées au sida. Une fois encore, c’est avec une grande précision que l’auteur détaille les signes, maladies et traitements.
 » En 1995, pour la seule ville de New York, le sida a tué plus d’Américains que la guerre du Vietnam. »
Si Mr Hadley comptabilisait tous les anciens étudiants tués à la guerre, l’oncle Bob fera la nécrologie des amis de Bill morts du sida.
John Irving, en remarquable conteur, nous attache à cette histoire par la densité de ses personnages, le mystère de leur réelle nature et ce fil conducteur de la littérature et notamment du registre de Shakespeare. Le titre du roman est bien entendu une phrase de Richard II de Shakespeare  mais on découvre au fil des pièces de théâtre mises en scène par Richard Abbott, les personnages et thèmes de l’auteur anglais.
 » Est-ce une fille ou un garçon, telle est la question ? »
Le jeune William apprécie ces adultes qui l’ont guidé dans sa jeunesse. Il aime profondément son grand-père pour sa tolérance, son amitié fidèle et son goût des vêtements féminins. Il reconnaît en Richard un guide notamment vers la littérature. Il est reconnaissant à la mère d’Elaine de l’avoir aidé à s’assumer et à guérir ainsi son défaut de langage. Et bien évidemment, il sera éternellement amoureux de Miss Frost, cette énigmatique bibliothécaire qui l’a préparé à affronter les éventuelles attaques des hommes.
Comme tous les livres de John Irving, c’est un roman dense, captivant parce que j’avais envie de connaître le mystère des parents de Bill, la réelle nature des personnages énigmatiques comme Miss Frost ou Kittredge. On y trouve de l’humour, de la rage et énormément d’émotions.
Alors que se célèbrent en France les premiers mariages homosexuels, le roman d’Irving va faire couler beaucoup d’encre. Je vous en recommande la lecture car c’est aussi un plaidoyer pour la tolérance, le respect des différences.

 » Ne me fourre pas dans une catégorie avant même de me connaître. »

 » Je vous prierai de ne pas me coller d’étiquette. »

challengeABC2013

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

31 mai 2013 à 9 h 28 min

Je n’ai jamais lu cet auteur.. Encore un à découvrir !



31 mai 2013 à 10 h 17 min

C’est ma prochaine lecture !



alexmotamots
31 mai 2013 à 16 h 17 min

Un auteur que j’aime beaucoup. Mais déçue par son précédent.



1 juin 2013 à 15 h 44 min

Très tentant ! Et j’aime bien Irving ! Bon il y a Dernière nuit à Twisted River qui m’attend sur un coin d’étagère mais… je suis davantage attirée par ce dernier titre.



Uni
12 juin 2013 à 16 h 21 min

Je viens de le finir. J’apprécie beaucoup Irving de manière génèrale. Ici, le sujet m’intéresse beaucoup, d’autant plus qu’il me concerne, puisque je suis un fille en couple avec une autre fille, mais que je ne me considère pas comme lesbienne, mais aussi parce que j’ai connu beaucoup de personnes séropositives. Seulement, le sujet ne fait pas tout, et j’ai trouvé son roman un peu moins entrainant que certains autres, sans grande surprise ou plutôt assez prévisible, et pas assez « fourni »/dense (tels que le sont ses autres romans). Je m’attendais à ne pas pouvoir m’en décoller (comme cela m’arrive régulièrement en le lisant) et pourtant j’ai décroché à chaque fois sans difficulté. Par ailleurs, je pense que ses sujets de prédilections (la lutte, Vienne, les rivières, l’Allemand, la parentalité amputée) étaient amenés un peu moins finement que d’autre fois – peut-être est-ce parce que je les recherche et commence à m’en lasser ?-.



    12 juin 2013 à 16 h 52 min

    Surement un roman moins dense que le dernier et peut-être un personnage un peu plus « linéaire » et prévisible. Mais tout de même un sujet et un contexte littéraire intéressants. Souvent lorsqu’on attend trop d’un roman, la lecture est un peu plus décevante.



19 juin 2013 à 15 h 01 min

totalement d’accord! tu le sais déjà, j’ai adoré ce roman, et j’ai hâte déjà d’en découvrir d’autres!



1 juillet 2013 à 11 h 48 min

En ce moment je suis en totale extase devant la prose d’Irving dans « Dernière nuit à Twisted River », auteur que je n’avais jamais lu auparavant. J’ai vu « A moi seul bien des personnages » à la librairie samedi matin, j’attendrai sa sortie en poche en lisant si possible d’autres livres de lui.



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