RoyTitre : Sous les lunes de Jupiter
Auteur : Anuradha Roy
Lettres Indiennes
Titre original : Sleeping on Jupiter
Traducteur : Myriam Bellehigue
Éditeur : Actes Sud
Nombre de pages : 320
Date de parution : 1 février 2017

 

 » Jarnuli rayonnait vers l’Asie, le monde entier, le système solaire, l’univers. C’était le sortilège secret de tout écolier, et même encore celui de Badal quand il souhaitait echapper à son oncle et à sa tante : vivre sur Jupiter et dormir sous ses nombreuses lunes. »

Nomi, élevée en Norvège par une mère adoptive dont elle ne supporte plus les non-dits, revient en Inde sur les traces de son enfance. Elle a fait le tour du monde, s’asseyant devant chaque mer, attendant que celle-ci lui rappelle le jour où on lui a enlevé sa mère après l’assassinat de sa famille. C’est à Jarnuli, devant l’océan qu’elle a senti la mémoire de son horrible passé. Séquestrée dans un ashram avec d’autres jeunes orphelines, elle fut battue et violée par Guruji, le gourou pédophile soutenu par des disciples riches et puissants.
Sur les traces de son passé, elle s’étonne des chansons tristes du vieux vendeur de thé qui lui rappelle la gentillesse du jardinier de l’ashram. Elle craint un vieux moine qui semble la suivre. Elle détaille les bas reliefs du temple du Soleil où les scènes érotiques la mettent mal à l’aise.

 » Dans l’Inde antique, pas de frontière entre la vie et l’amour. L’érotique, c’est la création, et c’est pour ça qu’on le célèbre dans nos temples. »

Si le parcours de résilience de Nomi est le thème principal du roman, Anuradha Roy ne la laisse pas seule face aux drames du passé.
Nomi rencontre trois vieilles dames dans le train qui la mène à Jarnuli.  Gouri, une grosse dame « moelleuse comme un soufflé », compétente en spiritualité est en proie aux pertes de mémoire. Elle est accompagnée de Vidya et de Latika, une vieille dame coquette qui refuse de vieillir.
Sur place, elle vient tourner un documentaire sur les temples de Jarnuli avec Suraj, un photographe violent en plein divorce qui se révèle être le fils de Vidya.
Badal, guide touristique croise Nomi et les vieilles dames et devient lui aussi une figure importante de tous ces angoissés qui rêvent d’un ailleurs, d’une autre vie.
Et ce marchand ambulant, Johnny Toppo, point de passage de tous les personnages, qui chante ses souvenirs et se contente de peu.

«  Vous savez, les gens comme moi, ça fait longtemps qu’on détruit leurs rêves à force de coups. Pas de temps pour les étoiles. Je demande juste un coin de terre pour dormir, un bout de tissu pour me couvrir et de quoi manger pour mon prochain repas. »

Anuradha Roy construit des personnages complexes, meurtris par des blessures du passé, en proie à un présent insatisfaisant ne leur laissant que peu d’espoir d’avenir serein. Si ce n’est de larguer des bouteilles à la mer, de pouvoir oublier le passé et de libérer de sa propre vie.

«  C’est comme si tu sortais de ta vie. Comme si tu quittais ta propre histoire, que tu disparaissais. Tu n’as pas envie parfois de quitter ta propre vie? »

Les quelques zones d’ombre planant sur le passé ou le présent des personnages ne font que les rendre plus mystérieux, surprenants. Dans cette ville imaginée où la religion est souveraine parmi les temples, les ashrams et les fidèles, les personnages terriblement humains se croisent, traînant leur fardeau  et créant ainsi une traversée hypnotique  très attachante.

⭐️⭐️⭐️⭐️

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

16 février 2017 à 10 h 36 min

Je ne connais pas du tout la littérature indienne, ça serait l’occasion de me lancer 😉



16 février 2017 à 12 h 32 min

Le titre est presque semblable à celui d’un (gros) recueil de nouvelles d’Alice Munro et je pensais que tu allais nous parler de ce dernier ! Celui-ci a l’air très intéressant, et totalement différent 😆 ! Le côté « conte » me séduit malgré la noirceur des thèmes de la secte. Je note !



16 février 2017 à 15 h 50 min

Mon coup de cœur pour le roman indien Un fils en or m’a donné envie de lire davantage de littérature indienne! Je note celui-ci 🙂



16 février 2017 à 15 h 56 min

Pas fan de littérature indienne, malgré ton billet tentateur.



17 février 2017 à 19 h 07 min

que d’éloges ! Je ne connais absolument pas!



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