Titre : L’empereur

Auteur : Makenzy Orcel
Editeur : Rivages
Nombre de pages :128
Date de parution : mars 2021

 

Dans son appartement d’un immeuble misérable de Port-au-Prince, le narrateur, ayant commis l’irréparable, attend l’arrivée de la police. Hanté par son Autre intérieur, il s’est vengé des meurtrissures de son enfance.

Enfant abandonné sur le bord d’une route, il avait été recueilli au lakou dirigé par l’Empereur, un faux prophète qui soumet ceux qu’il voit comme des moutons.

En grandissant, l’enfant se rend compte que le lakou n’est qu’une entreprise de rentabilité économique, un outil d’oppression manipulé avec une rare dextérité par un usurpateur. L’enfant devenu le joueur de tambour de la cour, évacue sur cet instrument sa rage et son indignation.
Sur les conseils du Très vieux Mouton, un sage rendu aveugle par l’Empereur qui ne supportait pas son opposition, l’adolescent part en ville.

« Partir, tout quitter, pour se réinventer. Le plus difficile, c’est la mémoire

A Port-au-Prince, il devient livreur de journaux. Les conditions sont difficiles. Livrer dans les quartiers redoutables de la ville est dangereux.
« Etre livreur de journaux dans cette ville, comme tant de gagne-pain, c’est marcher sur un fil tendu au-dessus d’un abîme. »

Le patron est un homme dur qui n’hésite pas à se moquer des pauvres employés et à les virer pour un rien.

 « Ce sont tous des Empereurs, des patrons, des briseurs de rêves, des abominations. »

Le narrateur est le symbole de tous ces misérables souffrant de la corruption et de la toute puissance des patrons dans l’ignorance de la classe politique. L’espoir vient d’une jeune femme rencontrée dans un bus, Un soupçon de bonheur, un rêve inaccessible réservé une fois encore aux puissants.

La littérature haïtienne est particulièrement riche, l’art étant un moyen de pression privilégiée pour résister aux mouvements politiques et naturels de ce pays. Ses auteurs sont largement influencés par l’influence du vaudou, du mystique sur l’âme humaine haïtienne. Nous la retrouvions aussi dans le dernier roman de Lyonel Trouillot, Antoine des Gommiers. Makenzy Orcel est né dans un quartier pauvre de Port-au-Prince, il est la voix rageuse et poétique des laissés-pour-compte. Ses recueils de poème, ses romans sont toujours empreints de rage, de la force de celui qui se bat pour défendre les gens de la rue.

L’empereur a cette force. L’auteur utilise la forme romanesque pour mettre en scène sa parabole. Les pauvres réduits à l’état de moutons, soumis aux peurs des esprits entretenues par les faux prophètes, sont corvéables malgré la misère ambiante conséquentes aux dérives politiques et aux aléas climatiques.  La beauté n’appartient qu’aux nantis. On comprend la plume à vif de cet écrivain poète qui écrit sur les plaies de son pays.  Un très beau roman et une illustration bien choisie de Josué Azor sur le bandeau du livre.

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

22 mars 2021 à 14 h 05 min

Un pays si riche de culture, et pourtant….





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