Titre : Il suffit de traverser la rue
Auteur : Eric Faye
Editeur : Seuil
Nombre de pages : 288
Date de parution : 6 janvier 2023
Un employé poète
Aurélien Babel, journaliste de 57 ans, travaille chez Mondonews depuis vingt-cinq ans. Marié et père de famille, Aurélien est un poète. Il a déjà édité plusieurs recueils. Initialement de gauche, il a comme beaucoup de personnes de classe moyenne après l’arrivée de Mitterrand, viré vers la gauche caviar. Peu adapté à la vie sur cette planète, il se dit hypersensible et froussard. Bien installé dans sa routine, il n’a pas vu venir les prémices d’un remaniement chez Mondonews. En fait, tout a changé après le départ de Victor Lemoine, un pilier de la rédaction francophone, agressif mais professionnel.
Evolution des sociétés
Évaluation des salariés, délocalisations, robotisation, marchandisation de l’information, management par des jeunes loups venus de Science Po, Mondonews évolue au rythme des décisions des dirigeants implantés à Seattle. Après les dégraissages sur les sites de Londres et Madrid, un plan de sauvegarde de l’emploi s’engage à Paris.
Enguerrand Audet, chargé des discussions avec les syndicats doit mettre en place un plan de départ volontaire. Trente des soixante journalistes devront quitter le navire.
Sans homme de main, les pouvoirs s’effondreraient tout de suite.
Un panier de crabes
Les volontaires au départ quitteront l’entreprise avec un beau pactole. Mais, pour être retenu, ils doivent proposer le meilleur projet de reclassement. La salle de rédaction devient vite un lieu invivable, de suspicion et de jalousie. En quittant l’entreprise, Aurélien veut surtout profiter de la vie. Mais, pas le choix, il doit établir un projet professionnel, trouver une formation de reconversion. L’attente est insoutenable, l’angoisse est à son maximum. Les salariés se combattent les uns les autres, au lieu d’affronter le système.
L’homme de classe moyenne, cultivé, ne joue plus son rôle.
Il rit, il réfléchit, il s’informe; et cependant il refuse d’éclairer le monde en luttant. Il ne fait pas grève. Il conteste si peu. Drôle de Prométhée moderne…Prométhée enchaîné volontaire : voilà la tragédie qu’Eschyle écrirait s’il remontait de l’Hadès pour dépeindre notre époque amère.
Une ironie mordante
Il y a beaucoup d’humour dans cette tragédie moderne. Mais le regard de l’auteur est perspicace et réaliste. Ce roman social est cruellement en phase avec notre société. Même le titre est un clin d’oeil à la phrase assénée à un chômeur par Emmanuel Macron en septembre 2018.
Si j’ai trouvé quelques longueurs vers la fin du récit, ce roman est à la fois divertissant et clairvoyant.
Commentaires
Intéressante chronique comme toujours chez Jostein59 ! Les prémices dans ce sens avec un c, j’ai utilisé ce terme dans ma chronique du jour et j’ai du rechercher ayant un doute !
Merci pour ton oeil vigilant 😉
Il me semblait bien que le titre me disait quelque chose ;-))