Titre : Lointain souvenir de la peau
Auteur : Russell Banks
Editeur : Actes Sud
Nombre de pages : 443
Date de parution : mars 2012
Présentation de l’éditeur :
A l’instar de ses pareils, hommes de tous âges et de toutes conditions que leur addiction au sexe a conduits devant les tribunaux puis relégués loin des « zones sensibles », le Kid, vingt et un ans, bracelet électronique à la cheville, a pour quartier général le viaduc Claybourne qui relie le centre-ville de Calusa, Floride, à son luxueux front de mer. Depuis toujours livré à lui-même, n’ayant pour ami qu’un iguane offert par une mère passablement nymphomane, le Kid s’est enivré de sexe virtuel jusqu’au jour où sa naïveté l’a jeté dans un des pièges où la police épingle les putatifs délinquants sexuels. Stigmatisé par une société devenue, jusqu’à l’hystérie, adepte du « surveiller et punir », ce jeune homme en rupture suscite l’intérêt d’un certain « Professeur », universitaire à la curiosité dévorante, sociologue atypique qui, dans le cadre de ses travaux sur les sans-abri en tous genres, approche le Kid pour s’instruire de son cas et, peu à peu, semble le prendre sous son aile. Mais il apparaît bientôt que le génial Professeur pourrait être un fabuleux menteur, et un expert en identités multiples; Par cette fiction magistrale, Russell Banks met en scène l’enfer de la « déviance » et le supplice de l’exclusion. Il exhausse à la dimension d’un récit aussi mythique que compassionnel l’aveuglement de nos sociétés saturées d’images et qui semblent avoir fait le choix – comme pour mieux s’oublier – de faire disparaître, jusqu’à la pathologie, leur corps collectif dans le rayonnement des écrans de la nuit sexuelle.
Mon avis :
De Russell Banks, je n’avais lu que La réserve, qui n’est apparemment pas son meilleur roman mais que j’avais apprécié pour la complexité de ses personnages et l’analyse relationnelle.
Avec Lointain souvenir de la peau, l’auteur renoue avec un sujet fétiche sur les laissés pour compte d’une Amérique moderne et puritaine. Kid, jeune délinquant sexuel vit sous le viaduc de Calusa, inspiré du camp similaire de Miami. C’est un des rares endroits où peuvent s’installer ceux que l’Amérique craint le plus et considère comme les plus grands parias, loin de toute présence d’enfants. La législation a ainsi créé un état pire que la prison qui ne laisse aucune chance à ces délinquants.
Pourtant, certains, comme Le Kid, ne sont victimes que du système, ne sont que des gosses rejetés par les structures de l’éducation et de l’armée, que des enfants en mal de tendresse. Le Kid n’a jamais eu de reconnaissance de ses parents, du fait de l’absence de père et de la prostitution de sa mère. Son seul ami est un iguane.
Sa rencontre avec Le Professeur sera déterminante. Petit à petit, au fil de son étude sociologique des délinquants, il va le guider vers la responsabilité vis à vis de ses congénères et de deux autres animaux dont il aura la responsabilité.
» Il faut leur redonner la responsabilité de quelque chose. D’un truc où ils ne vont pas échouer. Comme ça, ils auront assez de confiance en eux pour ne pas redouter d’être rejetés… »
Même si la nature et les évènements sont contre l’épanouissement du Kid, celui-ci va prendre en compte son identité et la mesure de sa faute, la réalité de sa honte.
Le Professeur devient lui aussi un mystère et l’on comprend que paria ou génie, chacun a ses zones d’ombre, ses addictions, son passé obscur.
Lointain souvenir de la peau est un roman majeur sur la société américaine, l’évolution des mœurs avec l’arrivée des réseaux sociaux. C’est une intéressante analyse humaine avec en plus, de très belles descriptions de la nature des marais du Panzacola ( bayou) et un certain humour aussi.
Malgré ses perversions, Le Kid est un personnage très sensible et attachant, un être simple soumis à la tentation du serpent (Internet) qui va lui faire prendre conscience du Bien et du Mal. Il m’a fait penser au jeune homme du roman Des fleurs pour Algernon de Daniel Keyes.
Je lirais prochainement American Darling, du même auteur, qui attend dans ma PAL.