Sur la route de jostein

Titre : Le passager
Auteur : Cormac McCarthy
Littérature américaine
Titre original : The passenger
Traducteur : Serge Chauvin
Editeur : L’Olivier
Nombre de pages : 545
Date de parution : 3 mars 2023

 

Au fond des abysses

Western est plongeur pour un certain Taylor. Un jour, avec son ami Oiler, il part inspecter l’épave d’un avion disparu. À l’intérieur : les corps de sept passagers, du pilote et du copilote. Mais la mallette de vol, une partie du tableau de bord… et un huitième passager manquent à l’appel. L’affaire intrigue.

Ce qui n’aurait pu être qu’un simple accident d’aviation devient le point de bascule d’un enchaînement d’événements étranges. L’appartement de Western est fouillé. Oiler meurt accidentellement sur un chantier au Venezuela. Une menace diffuse semble planer, mais d’où vient-elle ? S’agit-il d’un complot lié à ce mystérieux huitième passager ? Ou d’une simple affaire de redressement fiscal ? Tout demeure flou, comme si l’auteur refusait de livrer les clés de son récit.

La seule certitude, c’est l’état d’âme de Western. Un homme sombre, hanté par la mort de sa sœur, Alicia, qui s’est suicidée. C’est cette perte — plus encore que l’épave ou les poursuites — qui semble peser sur chaque page du roman.

Qui est Western ?

Peu à peu, entre discussions de bar et courses-poursuites, le passé de Western se dessine. Mathématicien brillant, il a abandonné ses études pour une carrière dans la course automobile, brutalement interrompue par un accident. Sa sœur Alicia, elle aussi surdouée, ne terminera jamais sa thèse. Rongée par des hallucinations, elle sombre peu à peu dans la folie.

Des chapitres en italique, énigmatiques, donnent voix à cette folie. Alicia y dialogue avec une créature étrange, « Le Kid », un être pourvu de nageoires. Est-il réel ? Un produit de son esprit malade ? Ces séquences, déroutantes, donnent une tonalité fantastique et inquiétante au roman.

Quel lien unissait Western à sa sœur ? La culpabilité le dévore — comme si, à sa manière, il avait participé à sa chute.

« Tu crois que quand il y a une chose qui te paralyse tu peux te contenter de lui tourner le dos et oublier. Mais en fait elle ne te suit pas. Elle t’attend. Et elle t’attendra toujours. »

Un roman d’ombres

Western tente d’échapper à son passé, à ses poursuivants — mais qui sont-ils ? Des agents gouvernementaux ? De simples percepteurs ? Ou ses propres démons ?

Le personnage de Western est fascinant : à la fois tourmenté et sociable, fragile et déterminé. Chaque conversation, notamment dans les bars qu’il fréquente, donne lieu à des dialogues profonds et parfois abscons, à la manière caractéristique de McCarthy.

Mais l’intrigue reste volontairement nébuleuse. L’épave et son passager manquant, le passé scientifique du père de Western impliqué dans le projet Manhattan avec Oppenheimer, la recherche d’un hypothétique trésor, les ennuis fiscaux… Tout cela s’entrelace dans un récit brumeux, presque insaisissable. Que cherche vraiment Western ? N’est-il pas, symboliquement, ce passager manquant — celui qui erre dans une vie où il ne trouve plus sa place ?

Stella Maris

Peut-être aurais-je dû commencer par Stella Maris, le pendant du Passager, situé dix ans plus tôt, qui retrace le parcours d’Alicia. Ce roman, centré sur la voix de la sœur disparue, éclaire sans doute bien des zones d’ombre. Ne l’ayant pas lu, je suis restée avec de nombreuses interrogations et un sentiment d’inachevé.