Titre : L’or des femmes
Auteur : Mambou Aimée Gnali
Littérature congolaise
Editeur : Folio
Nombre de pages : 176
Date de parution : 15 juin 2017
La tradition Vili
À Loango, une légende ancienne hante encore la mémoire des femmes. On raconte qu’une jeune fille, mariée de force à un homme puissant du clan, s’éprit du fils de ce dernier. Dans cette société, la polygamie masculine est admise mais l’adultère féminin est un crime. Et la sanction fut terrible. Elle fut enterrée vivante, et son amant empalé. Depuis, chaque femme sait qu’elle doit se soumettre au mariage imposé et à la fidélité absolue.
Les mères et les tantes perpétuent ce carcan en éduquant leurs filles à l’obéissance. Dès leurs premières lunes, les jeunes pubères passent par une phase d’initiation, censée les préparer à la vie de femme. Là, elles reçoivent les prétendants, autorisés parfois à “toucher la marchandise”. En réalité, cette étape les conduit jusqu’au lit de patriarches polygames.
Toute l’hypocrisie d’une société patriarcale s’expose ici. Si l’école des Blancs a ouvert de nouveaux horizons, la structure sociale, elle, reste figée : le groupe prime sur l’individu, et la femme reste l’otage du clan.
Bouhoussou, une fille promise
Bouhoussou, première fille de Bouanga, entre à son tour dans la phase d’initiation. Mavoungou, un lointain et jeune parent du côté paternel, l’aime depuis l’enfance. Il est le premier à demander sa main. Mais s’il a un travail, il n’a ni maison ni économies pour payer la dot. Autant dire qu’il n’a aucune chance.
Car Bouhoussou est promise depuis sa naissance à Ta Pouati, un vieil homme issu de la noblesse des anciens rois. Et les parents, séduits par le prestige et la richesse, ne songent guère au bonheur de leur fille. Comme le dit un personnage : « L’appât du gain tuera ce pays. »
Dans les us et coutumes locales, le mariage n’est pas un jeu. Il vise avant tout à perpétuer la lignée, à renforcer les alliances entre familles respectées. Le sentiment n’a pas sa place dans cet arrangement social.
Le poids des traditions
Ce premier roman de Mambou Aimée Gnali, court mais dense, m’a rappelé la simplicité narrative et la force thématique du roman Femme pour moitié de Perumal Murugan. En effet, dans les deux récits, une même question traverse l’intime : que peut l’amour — ou même le simple désir — contre le poids des traditions ?
La femme, ici, n’existe que par sa capacité à procréer. L’auteur montre sans détour comment la stérilité devient une malédiction sociale : une femme sans enfant est condamnée à la marginalité, parfois réduite au rôle de maîtresse d’un Blanc.
Mavoungou incarne cette nouvelle génération formée à “l’école des Blancs”, qui commence à interroger l’ordre établi. Avec son frère et la jeune Pemba, il s’interroge sur le sort des femmes : comment expliquer que tant de jeunes mères célibataires soient poussées au suicide ? Et surtout, qui sont ces hommes qui violent des filles à peine sorties de l’enfance, prisonnières du cercle familial?
Mais face à la force des coutumes, les voix de la jeunesse semblent impuissantes. La tradition résiste, implacable.
Un récit bref, percutant, d’une sobriété poignante. Peut-être un peu trop court, avec un dénouement aussi rapide que frustrant — mais suffisant pour laisser dans l’esprit du lecteur la voix d’une jeunesse sacrifiée.

Commentaires
La confrontation entre deux visions, même si elle semble vouée à l’échec, est intéressante. Je note !
Ouch !!! Ça doit être dur…