DéTitre : La nuit aux étoiles
Auteur : Shobhaa Dé
Lettres Indiennes
Titre original : Starry nights
Traducteur : Sophie Bastide-Foltz
Éditeur : Actes Sud
Nombre de pages : 400
Date de parution : mars 2010, Babel, juin 2016

Shobhaa Dé est une auteure et journaliste très populaire en Inde. Même si Starry nights est le premier roman traduit en France, Shobhaa Dé a écrit 13 ouvrages qui ont tous un grand succès en Inde. Elle a fondé et dirigé trois magazines dont un consacré au cinéma. Née dans le sud de l’Inde et habitant à Bombay, elle nous parle dans ce roman d’un monde, celui de Bollywood qu’elle connaît bien.

Aasha Rani, jeune fille ravissante à la peau très noire est propulsée dans le monde du cinéma par ses parents. Son père, célèbre propriétaire d’un studio à Madras était déjà marié quand il a rencontré sa mère Gheetha ( Amma), jeune fille de quinze ans qui voulait devenir danseuse. Amma élèvera seule ses deux filles.  » Que peut bien faire une femme seule et sans ressources comme moi? » Vendre ses filles au « monde tapageur du cinéma indien. » Pour atteindre son objectif, elle n’hésite pas à pousser sa fille dès son plus jeune âge à faire des photos dénudées et des tournages porno et à la mettre dans le lit des producteurs comme Kishenbai qui lui fera faire son premier film.
Son succès fait très vite de Aasha Rani une star protégée par Sheth Amirchand, un membre du Parlement aux activités douteuses. Si elle connaît le grand amour dans ce monde-là avec Akshay, un acteur déjà marié, elle n’y voit aucun mariage heureux et ne vivra que des passions intenses mais passagères avec des acteurs, metteurs en scènes ou producteurs.
Le monde du cinéma est  » un monde complètement à part, qui n’avait rien à voir avec la réalité. Un monde fondé sur des illusions et des rêves en technicolor. »

C’est en Nouvelle-Zélande, loin de son pays et du monde surfait du cinéma qu’elle rencontrera son futur mari à Wellington. Jamie Jay Philips, néo-zélandais, féru de cinéma indien l’a toujours admirée. Jay lui montre qu’une nouvelle vie est possible. La naissance de leur fille Sasha les comble.

Lors d’un voyage avec Jay et Sasha à Londres puis en Inde, Aasha Rani constate qu’elle est toujours reconnue par son public. Mais en Inde, les choses ont bien changé. Son père est malade et abandonné. Sa mère a fait de sa sœur Sudha une star odieuse qui s’accapare les biens de la famille.
Pourtant là où son mari et sa fille ne voient que saleté, misère dans les rues de Bombay, Aasha s’amuse des regards joyeux de ces gens qui se jettent des couleurs pour la fête du printemps. Très vite, elle se laisse reprendre par l’ambiance des studios.  » C’est ton public. Ils t’adorent. Ils te veulent. »

Comment être respectée quand on est une femme, surtout dans cette profession  » qui grouillait de gens sans scrupules, de requins, de voleurs, de maîtres chanteurs, et de traîtres. » Aasha n’a que sa beauté, son charme pour vivre. Loin de Jay et de sa fille repartis en Nouvelle Zélande, peut-être trop âgée pour un cinéma qui ne parie que sur des adolescentes, spoliée par sa mère et sa sœur, toujours prête à écouter ses instincts de séduction, Aasha verra-t-elle encore que  » l’Inde peut aussi être très belle. »?

Avec cette histoire romanesque, Shodhaa Dé illustre parfaitement le milieu du cinéma indien où les stars font partie des symboles de la réussite sociale, non sans y perdre leur innocence. Une réussite pourtant éphémère dans un milieu corrompu et dans un pays où les femmes restent les obligées des hommes et de ceux qui ont de l’argent.

 » Les hommes sont cruels. Très cruels. Il n’y a pas de justice en ce monde. Et aucune égalité entre hommes et femmes. Ne va pas croire que le mariage y change quoi que ce soit. Ça ne fait même parfois qu’aggraver les choses. Qui a l’argent détient le pouvoir – n’oublie jamais ça. Il est le maître du jeu. Quand tu repenseras à ton propre mariage, tu verras que j’avais raison. La seule différence, c’est que certains hommes arrivent à ne pas montrer leur sentiment de supériorité. Ce sont ceux qu’on dit « cultivés ». Les autres ne s’en cachent pas. Ils font en sorte que leur femme se sente leur obligée. C’est la meilleure façon de les faire taire. »

Ce roman dépaysant et passionnant, même si la dernière partie à Londres me semble superflue, montre un personnage ambigu, capable de sentiments de respect envers sa famille et d’amour profond pour Akshay mais superficielle quant à sa volonté d’être adulée et faible vis à vis de ses besoins sexuels. Là repose sûrement toute l’ambiguïté d’une société puritaine en pleine révolution sexuelle où les gens prennent les bains de mer habillés, où les filles sont encore vues comme des fardeaux par leur père mais où par exemple les danseuses de Bollywood affichent sans complexe des poses lascives très suggestives.
Malheureusement, les mères se révèlent ici une fois de plus les vecteurs d’un système qui les écrase.

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Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

18 juillet 2016 à 21 h 33 min

J’hésite un peu avec les romans indiens. J les trouve souvent un poil trop long.



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