Titre : L’ennemie
Auteur : Irène Nemirovsky
Editeur : Denoël
Nombre de pages : 159
Date de parution : 16 mai 2019
L’oeuvre d’Irène Nemirovsky s’inspire largement de sa vie. L’ennemie évoque les relations difficiles de l’auteure avec sa mère et l’extrême solitude de son enfance.
Nous sommes en 1919. Léon, le père, blessé puis réformé trouve un poste en Pologne. Petite mère, femme coquette et volage, en profite pour mener la grande vie. Gabri ( 11 ans) et Michette ( 6 ans) Bragance se retrouvent souvent seules à la maison. Elles sont très proches et profitent d’une grande liberté.
Un jour où la mère est une fois de plus absente, une lessiveuse tombe sur le dos de Michette. Gabri ne pardonnera jamais à sa mère.
« La mort de Michette avait transformé l’enfant joyeuse qu’elle avait été en une manière de petite vieille, désenchantée, silencieuse. »
Léon rentre de Pologne accompagné de Charles, son jeune cousin. Le père se lance dans une activité très prenante de rachat d’usines. La famille change d’appartement, Gabri bénéficie de l’enseignement de professeurs particuliers.
Elle adore son père mais il est souvent absent pour ses affaires. Sa mère est toujours dans d’autres bras.
« Sans la lecture, elle serait tombée malade d’ennui. Les livres remplaçaient pour elle la vie réelle. »
Quand elle surprend sa mère au lit avec Charles, Gabri est à la fois troublée et jalouse.
« Quand donc serait-elle aimée enfin, elle aussi? »
L’adolescente devient jolie. Sa mère la pousse à sortir seule pour ne pas lui faire ombrage. Gabri court les dancings avec son amie Babette, rencontre son premier admirateur.
« Le sentiment du bien et du mal qui n’avait jamais été bien distinct en elle, se brouillait, se troublait tous les jours davantage. »
Petite mère se rapproche de sa fille devenue femme, elle peut enfin confier ses amours. Mais ce n’est pas le rôle d’une mère. La tension entre les deux femmes s’accentue.Gabri joue sur le terrain de sa mère, autant pour la punir que pour s’en rapprocher.
Irène Nemirovsky propose ici une nouvelle dramatique qui étonne par sa maîtrise. Pas de circonvolutions romanesques, l’essentiel parfaitement équilibré tient en une centaine de pages. En partant des blessures de l’enfance, l’auteure monte en puissance vers la révolte de l’adolescence jusqu’au drame final inévitable.
On y ressent la solitude de l’enfant qui se juge mal-aimée. Mais cette solitude est partout en cette famille. Le père plongé dans les affaires, constate pourtant l’éloignement de sa femme et ressent la solitude du vieillissement. Si Petite mère est toujours bien occupée, sa frivolité n’en est pas moins une manière de combler le vide de son existence.
Dans un récit magistral, Irène Nemirovsky témoigne avec justesse et fougue de son époque et de sa relation dévastatrice avec une mère volage et égoïste.
Commentaires
J’aime beaucoup cette auteure. Elle mène bien sa barque, ses textes sont lumineux et on en sort avec le sentiment d’avoir compris un peu plus la complexité de l’humanité. Je note cette parution.
Ah, j’ai vu ce titre en librairie… c’est un inédit ? Décidément, le rapport à la mère a abondamment nourri son oeuvre… Le vin de solitude, très autobiographique, est, dans le genre, assez glaçant. J’ai en revanche beaucoup moins accroché à Jézabel (qui n’est après tout que son 2e roman), sur le même thème, mais plus « fictionnel » et surtout trop superficiel à mon avis.
L’ennemie est aussi un de ses premiers mais je le trouve parfaitement maîtrisé
Un titre fort !
Quel roman fort! Le texte est très bien écrit.