Titre : Tous tes enfants dispersés
Auteur : Beata Umubyeyi
Éditeur : Autrement
Nombre de pages : 256
Date de parution :  21 août 2019

 

Blanche, née de père français et de mère Tutsi, a quitté Butare ( petite ville rwandaise à la frontière du Burundi) en 1994, à la veille du génocide rwandais. Aujourd’hui adulte, mariée et mère d’un jeune garçon, elle retrouve une mère murée dans le silence. 

Pourtant, pour grandir, élever son fils, Blanche a besoin de connaître l’histoire d’Immaculata. Cette femme est son continent, son pays, sa raison.

L’histoire de la mère se livre peu à peu, mêlée parmi les pensées et les recherches de Blanche. Mais on ne livre pas sereinement les douleurs d’un génocide, les peurs d’une mère pour un fils parti deux fois faire la guerre et revenu transfiguré, ses rêves d’adolescente terrorisée la première fois qu’elle vit un Blanc puis mère de deux enfants de père différent, un blanc et un rwandais.

«  Dieu savait ce qui se tramait et ne l’empêcha pas. Les puissances étrangères étaient informées de l’existence de listes de personnes à tuer, de caches d’armes. Elles ne firent rien pour arrêter notre extermination. Nous entendions les discours haineux à peine déguisés à la radio et nous restâmes cependant longtemps accrochés à l’espoir qu’ils ne mettraient jamais leurs menaces à exécution. Pas devant le monde entier, pas après toutes ces années de progrès. Dieu et le monde assistèrent à notre élimination les yeux fermés. »

Par sa naissance, son éducation, ses mariages, le destin de son fils, la vie d’Immaculata, «  une longue étoffe déchirée par endroits, précieuse », reflète l’histoire du pays. 

Mais en centrant aussi son témoignage sur la transmission des mères, l’auteur évite l’écueil du sordide. Le récit est l’histoire d’une famille. De la grand-mère à Blanche, la culture européenne prend de plus en plus de place. Si la grand-mère ne parlait que le dialecte local et n’avait jamais vu un Blanc dans sa jeunesse, Immaculata reçoit l’éducation de professeurs blancs, se marie avec un Blanc. Blanche, elle, s’efforce de garder les deux langages, les deux cultures, qu’elle souhaite aussi transmettre à son fils. Le circuit des douleurs invisibles se transmettent jusque dans le sang. Seuls les mots peuvent guérir les blessures.

«  Entre les mots et les morts, il n’y a qu’un air, il suffit de le cueillir avec ta bouche et de veiller à composer chaque jour un bouquet de souvenance. »

Beata Y Mairesse compose si bien les mots qui ont tant d’importance dans la transmission de valeurs d’une génération à l’autre. Lorsque les mots se disent, les secrets se révèlent, les nouvelles générations peuvent enfin vivre en paix. Après un récit enchevêtré entre passés et présent, le style s’impose vraiment en fin de roman. Le dénouement reste une bouffée d’espoir pour la survivance des racines.

«  N’oubliez pas qui vous êtes, ni d’où vous venez. »

Avis de Lettres exprès

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

Stephie
9 octobre 2019 à 14 h 04 min

Un de ceux que j’ai repérés dans la rentrée de cette année. J’espère avoir le temps de le lire



10 octobre 2019 à 16 h 08 min

Le style a l’air un peu particulier, tout de même.



    12 octobre 2019 à 9 h 34 min

    Au début, il faut dénouer le récit à la fois entre les générations et les non-dits. Ensuite, le style prend de belles tournures. Personnellement, je l’ai beaucoup apprécié mais on peut aussi s’y perdre.



17 novembre 2019 à 11 h 33 min

Il me tarde de le lire. J’ai lu récemment sur le même thème le premier roman de Yohan Smadja, « J’ai cru qu’ils enlevaient toute trace de toi » qui m’a bcp plu.



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

En savoir plus sur Sur la route de jostein

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading