Titre : Avoir et se faire avoir
Auteur : Eula Biss
Littérature américaine
Titre original :
Traducteur : Justine Augier
Editeur : Rivages
Nombre de pages : 280
Date de parution : août 2022
L’inconfort du confort
Eula Biss, écrivaine et universitaire, commence à connaître le succès en 2014. Elle décide alors, avec son mari, d’acheter une maison dans un ancien quartier noir en pleine évolution. Nouvellement propriétaire, le couple se retrouve aux prises de la consommation pour aménager ce nouveau logement.
IKEA, le troisième plus grand consommateur de bois au monde, a fait du mobilier une chose qui expire.
Dans un récit autobiographique foisonnant, l’auteur s’oblige pourtant à parler vrai et à suivre un plan découpé autour des thèmes de la consommation, du travail et de l’investissement.
Faisant partie de la classe moyenne supérieure, Eula Biss vit avec un certain inconfort son nouveau statut. Selon le psychologue Paul Piff, « les riches » auraient davantage de comportements immoraux.
Plus nous vivons dans le confort, suggère la recherche, plus nous sommes susceptibles de causer de la destruction.
Grands sujets et petites anecdotes
Le mélange de grand sujet tel la définition du capitalisme, la notion de travail, l’art, la condition féminine avec de fines anecdotes fait le charme de ce livre.
Ainsi, on apprend que Charles Darrow a acheté pour 500 dollars le brevet de ce qui deviendra le Monopoly à Elizabeth Magie et qu’il deviendra millionnaire. Que les enfants apprennent les lois de la cotation en échangeant des cartes Pokemon dans les cours de récréation. Qu’on peut louer sa maison pour une publicité Walmart. Que derrière chaque fantôme de Scoubidou, il y a une personne qui veut devenir riche.
Les sorcières littéraires
Les nombreuses références aux écrivaines, aux femmes qui inspirent Eula Biss sont l’autre intérêt du livre. On y trouve Emily Dickinson, Joan Didion, Maggie Nelson, Virginia Woolf. De grandes dames blanches plutôt aisées. Mais aussi « les femmes de » au service de grands hommes qui, souvent, revendiquent leur propre esclavage.
Les remarques sont souvent pétillantes et les réflexions pertinentes.
Ainsi, faire du vélo en ville rappelle un peu ce que c’est d’être une femme parmi les hommes.
Les voitures rendent idiot de la même façon que la richesse rend idiot. De la même façon que tout type de pouvoir, en fait.
Et je termine par cette suggestion sensée, entièrement partagée, mais qui semble un voeu pieux dans notre société capitaliste.
Si nous parvenons à penser autrement, nous pourrions modifier notre système économique afin qu’une chose ayant de la valeur pour toute la société, comme le bien-être des enfants ou la préservation de l’environnement, ait aussi une valeur économique.
Commentaires
Je valide totalement la comparaison cycliste et la suggestion finale! Malheureusement, celle-ci a peu de chances de se réaliser un jour…
J’aime beaucoup ces petites allusions marrantes mais très fines dans ce récit.
Et pour la suggestion finale…Dommage ! Pourquoi les politiques ne voient pas une telle évidence ? Je pose la question mais je sais pertinemment pourquoi.
A propos de la dernière citation, je répondrais qu’avec des « si », on mettrait Paris en bouteille. Non pas que je n’y crois pas, mais il ne faut pas attendre trop d’un changement global qui ne viendra jamais.
Plutôt utopique mais c’est un rêve vers lequel il faut tendre.