Titre : La bibliothèque du beau et du mal
Auteur : Undiné Radzevičiūté
Littérature lituanienne
Traducteur : Margarita Barakauskaité-Le Borgne
Editeur : Viviane Hamy
Nombre de pages : 352
Date de parution : 1 mai 2024

 

Un sombre parfum

Walter, vingt-cinq ans, a hérité de la maison de son père et de sa superbe bibliothèque. Il y vit cloîtré avec Mle Berthe, l’ancienne femme de maison. Il ne cesse de clamer sa mort imminente et entend léguer le domaine à son neveu, le fils de sa demi-sœur Lotta. La collection de livres est exceptionnelle. Avec notamment des chefs d’œuvres de la littérature parfois reliés de vraies peaux en concordance avec le sujet du livre. Ainsi Robinson Crusoe est recouvert d’une peau de chèvre et le livre du Marquis de Sade d’une peau de femme. Un sombre parfum règne dans cette bibliothèque.
A la suite d’un accident de la route qui blesse un étudiant candidat au suicide, Walter, sous l’effet de la drogue récupérée chez un apothicaire sur les conseils de Lotta, s’engage vers un sombre commerce. Avec l’aide de Maus, un cordonnier croyant, sourd et muet, il prépare des peaux aux superbes tatouages. « Dieu est mort », clame Walter.
Imaginez les belles reliures possibles pour Les fleurs du mal, Crime et châtiment ou les romans de Jules Verne.

Quelquefois, pour qu’un objet ordinaire devienne une œuvre extraordinaire, unique, nous devons occulter notre sens de la morale, dit Walter.

Un Berlin décadent

Il n’est pas courant de lire des auteurs lituaniens. L’histoire de la Lituanie est marquée par les invasions russes et allemandes, par la Shoah. Ce roman commence en 1924 et se déroule dans un Berlin décadent bientôt gangrené par le mal, la folie d’Hitler.
Lotta, fille de pasteur,  déplore la décadence de la capitale allemande, envahie par les prostituées. Son mari vient de la quitter pour une danseuse. Elle vient régulièrement chez son frère afin de l’inciter à sortir, à s’équiper de nouveautés électroniques et surtout discuter du bien et du mal.

Une larme d’horreur cachée dans la beauté oblige les hommes à rester sur leurs gardes. S’il n’y avait pas le moindre danger dans la vie, l’homme serait détruit par l’ennui.

Ce sont des dialogues basiques mais tournés vers la réflexion. Et l’on y perçoit une analogie entre le monde de Walter et l’Allemagne nazie.

– Selon moi, l’art doit participer à la création de l’homme nouveau, et cet homme, à son tour, doit devenir un exemple pour tous, continua Rudolf.
– Ce que vous souhaitez, en somme, c’est qu’un individu suprême devienne le guide de tous les autres individus qu’on peut considérer comme inférieurs, précisa encore Walter.

– Il arrive souvent que la beauté et la perfection soient contaminées par le mal tout autant que la laideur, dit Walter. Et parfois, le sens de la morale mène au crime.

Macabre et humour noir

Cette lecture nous rappelle l’excellent roman de Patrick Süskind, Le parfum. On y trouve la même frénésie à la recherche de la peau adéquate, la même plongée dans l’horreur. Mais Undiné Radzevičiūté ne se place pas dans le même registre. Avec une dose d’humour noir, un style plus léger, quelques dialogues simples sur le beau et le mal, elle tient l’horreur à distance.
Surtout, l’horreur se situe aussi dans le contexte, avec la montée du nazisme.
Ce roman est une lecture fluide et plutôt addictive qui invite à la réflexion sur le beau et le mal. 

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

18 mai 2024 à 8 h 41 min

Voilà une idée intéressante pour explorer la littérature lituanienne qui se fait trop rare chez nous. Mais j’avoue que ces histoires de peaux me donne un peu le frisson…



21 mai 2024 à 10 h 31 min

Pour la dose d’humour noir, alors.



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