Titre : Saturne
Auteur : Sarah chiche
Éditeur : Seuil
Nombre de pages : 208
Date de parution : 20 août 2020
Première lecture de Sarah Chiche. Et je suis tout d’abord impressionnée par le ton, le style chaotique, l’urgence de l’écriture. En psychanalyste, l’auteur nous plonge dans l’esprit mélancolique d’une jeune femme en deuil. La narratrice a perdu son père alors qu’elle n’avait que quinze mois. Cet évènement, elle le revit à l’âge adulte, à partir de quelques éléments hérités de sa grand-mère Louise, celle qui l’a élevée et dont la mort fait ressurgir un passé tourmenté.
Louise était l’héritière d’un père juif, propriétaire d’une clinique. Elle a épousé Joseph, un médecin qui avait sauvé la vie de son père. Ensemble, ils ont bâti un empire en multipliant les cliniques privées. Si Armand, le fils aîné perpétue la tradition en devenant gynécologue, Harry est un rêveur qui se voudrait cinéaste.
Louise adore Armand qu’elle a failli perdre à la naissance. Joseph soutient Harry, « il adore son cadet comme on aime férocement la part perdue de soi-même, celle dont on s’est amputé pour réussir. »
Harry se perd dans le jeu et tombe éperdument amoureux d’Eve, une fille excentrique et perturbée.
» il va l’aimer malgré toute cette nuit qu’elle a en elle, malgré la peur qu’elle lui inspire, parce que ça fait partie de l’amour. »
Nous retrouvons la narratrice à l’âge de vingt-six ans en plein délire de négations. « En ce temps-là, je n’étais que défaites et laideur. » Elle a rompu avec sa grand-mère, avec cette famille mortifère.Elle a fui à l’étranger, s’est mariée puis a tout quitté. Quand elle rentre en France, c’est pour entendre les accusations de son oncle au sujet de sa grand-mère qui attendait en vain son appel. Elle sombre alors dans l’auto-accusation, dans la folie, « triste d’avoir perdu une grand-mère qu’on n’aimait pas, triste pour un père qu’on n’a pas connu. »
Et pourtant, il suffit d’un déclic pour revenir à la vie.
J’ai beaucoup aimé le style vif de l’auteur, quelques personnages ( Louise, Eve). Le récit de la passion éphémère mais intense entre Harry et Eve, un peu édulcoré est très beau. Par contre, le récit m’a semblé chaotique, sûrement à l’image d’une psychanalyse. Il faut bien remonter dans le passé, expurger le mal et franchir les barrières. Mais je ne suis pas parvenue à intégrer le récit des violences en Algérie et l’exil qui en a découlé dans l’histoire de la narratrice.
Suite à la rencontre d’une femme qui avait connu Harry enfant en Algérie, je m’attendais à une autre histoire. Mais tout se centre sur la douleur de la narratrice, occultant celle de la génération précédente.
Du style, sans aucun doute, de belles évocations mais un récit qui se complait dans le côté sombre, dans la mémoire douloureuse de la narratrice. Ce roman largement plébiscité par la presse ne devait pas être la lecture qu’il me fallait à ce moment-là.
Commentaires
J’hésite toujours à la lire et je ne sais pas pourquoi 🙂
Ses précédents romans ne sont pas passés inaperçus mais c’était ma première lecture de l’auteure.
Je te rejoins complètement : du style mais…
En voyant ce roman encensé par la presse littéraire, je craignais d’être un peu seule à émettre un bémol. Tu me rassures.
J’hésite aussi pourtant l’histoire a tout pour me plaire… Peut-être le côté trop sombre 🙂
Oui et aussi pour moi un souci dans la construction
Je l’ai lu pour le prix FNAC, il est sur beaucoup de listes de recommandations…mais il y a quelque chose qui ne me convainc pas, je ne sais pas quoi;les émotions sont un peu absentes à cause peut-être d’une intellectualisation due à la psychanalyse?
Oui, souvent le côté psychanalytique suscite des errances dans la construction. Je crois que c’est ce qui m’a gênée. Dans le genre « plongée dans la tête d’une femme meurtrie », J’ai largement préféré le roman d’Adeline Fleury.
J’ai hésité à l’acheter sous les bons conseils de ma libraire ( finalement j’ai opté pour le Lafon et le Ferney).. Je crois que je lirai d’abord les Enténébrés.
J’ai beaucoup aimé le roman de Lola Lafon. Et le Ferney me tente bien aussi
Je suis en train de lire le Lola Lafon… C’est très beau !
Les enténébrés m’a fait un effet un peu semblable: dans un premier temps, j’ai complètement adhéré au récit, puis peu à peu je m’en suis détachée. Comme s’il y avait eu moins de conviction dans l’écriture de la seconde partie.
Je ne l’avais pas lu. Mais effectivement, happée au départ par le style, le ton, je me suis ensuite posée des questions sur la cohésion. Et quand on commence à se poser des questions, ce n’est pas bon signe.