Titre : Pêcheurs d’homme
Auteur : Eric Valmir
Éditeur : Robert Laffont
Nombre de pages : 306
Date de parution : 4 janvier 2018

Lampedusa, chacun connaît le nom de cette île de la Méditerranée, carrefour macabre de la route des migrants. Mais au-delà du nom, de ce qu’en disent les médias, j’ai découvert la beauté de cette île, le clivage de sa population, le malaise et l’incompréhension des habitants avec le sens du tourisme des uns et l’évidence de la solidarité des autres.

Le nom du narrateur et de l’île, nous ne les connaîtrons qu’à la dernière phrase. Certes, il est facile de deviner où nous sommes mais le narrateur voulait certainement se fondre dans l’anonymat, tout comme ces migrants inconnus. Et d’ailleurs, il semble si perdu qu’il en oublie son identité. 

«  Tout sur l’île nous ramène à la cause des réfugiés. Surtout le regard des autres, les vacanciers, les journalistes, tous ceux qui viennent de l’extérieur…Ils nous obligent à nous définir en fonction des migrants…se positionner pour ou contre…Je ne veux pas entrer dans ce jeu-là, je veux bien les  aider dans les situations d’urgence, les naufrages, tout ça, mais le reste du temps, je veux passer à autre chose…Je veux vivre. Et ce n’est pas égoïste de penser comme ça. »

Il est mal à  l’aise sur son île ou loin d’elle. Devenu incapable de supporter le silence dépressif de son père, pêcheur hanté par la vision de corps ramenés dans ses filets, le sens commercial de sa cousine dont il était amoureux, le racisme de certains, l’absence d’avenir sur son île.
Et pourtant, si perdu dans le froid du nord de l’Italie où il rejoint sa petite amie et tente de faire ses études. Là il manque d’oxygène. Tel un migrant, il ne trouve pas sa place.

Il a bravé sa peur de la mer, comme un défi au nom de son père, en faisant de la plongée. Il rêvait d’aller saluer la Madonnina, cette statue de la Vierge portant son enfant, hommage d’un plongeur sauvé par la solidarité des habitants de l’île. 

Il aime écouter les anciens, les historiens pour mieux connaître cette île de vingt kilomètres carré. Sa position géostratégique fut prisée pendant la seconde guerre mondiale. Ile italienne délaissée , elle se modernise dans les années 50 avec l’installation d’une centrale électrique puis de moyens de communication. En 1986, la Libye envoie des scuds sur la base radar américaine implantée sur l’île. Cet événement malheureux fit connaître cette île au milieu d’une mer cristalline et ses merveilleuses criques. Les européens y voient désormais une destination touristique.

Lampedusa, porte de l’Europe, proche des côtes libyennes et tunisiennes est aussi la seule chance de survie de Somaliens ou Érythréens qui accostent de plus en plus nombreux au début des années 2000. Mais c’est lors du printemps arabe que la situation devient critique avec l’arrivée de migrants tunisiens bien plus agressifs.

«  les limites de notre capacité d’accueil sont dépassés. »

Si Eric Valmir décrit inévitablement les situations critiques des migrants, les accidents, les trafics ignobles sur le « marché des migrants », c’est surtout le malaise du narrateur qui fait de ce roman un récit pesant. Il est évidemment impossible de grandir sereinement dans une telle atmosphère, perdu entre la beauté d’un site et la laideur de l’indifférence de l’Europe face à la situation des migrants.

Car ils viennent tous, pape, présidents, journalistes, sommités européennes faire de beaux discours, des promesses, inaugurer le musée «  de la confiance et du dialogue entre les peuples de la Méditerranée » mais ils s’en vont jusqu’au drame suivant. 

«  Intervenez pour que cela ne se reproduise pas au lieu de construire des mythes auxquels plus personne ne croit et dont la forme ne s’épanouit que dans une lucarne de télévision. »

Grâce à ce roman proche du documentaire, Eric Valmir me fait saisir toute la complexité de cette île, que je connais aujourd’hui un peu mieux . 

«  Ce n’est pas seulement un pont entre les continents mais une terre partagée par des êtres, des cultures et des religions différentes. »

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

14 juin 2019 à 12 h 12 min

J’ai proposé à la BDP d’acheter le livre car je suis plus que tentée



26 juin 2019 à 11 h 33 min

Voilà qui a l’air bien intéressant !



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