Titre : White
Auteur : Bret Easton Ellis
Littérature américaine
Titre original : White
Traducteur : Pierre Guglielmina
Éditeur : Robert Laffont
Nombre de pages : 312
Date de parution : 2 mai 2019
Alors que nous attendons tous un nouveau roman de Bret Easton Ellis, l’auteur américain sulfureux nous propose un essai, ou plutôt une conversation dans laquelle il se dévoile autour de ses romans, sa passion pour le cinéma et la littérature. Il explique son rapport à Twitter et sa vision de l’Amérique, notamment du clan tyrannique et oppressant d’Hollywood en proie à la victimisation, stigmatisant les frasques d’un président controversé.
Enfant, délaissé par des parents plutôt absents,le jeune Bret se nourrit de films d’horreur. Jusqu’à la révélation du film American gigolo qui montre l’esthétisme et la charge érotique de l’homme objet.
A seize ans, il écrit son premier roman, Moins que zéro. Best-seller dans lequel toute une jeunesse se reconnaît. Il s’installe quelques temps à new York où il écrit le fameux American psycho, créant un personnage inoubliable, immortel, Patrick Bateman, auquel Christian Bale donne forme dans l’adaptation cinématographique de Mary Harron en 2000.
En 2006, Bret Easton Ellis retourne à Los Angeles où il anime des podcasts, explorant la culture contemporaine avec ses invités du monde littéraire, cinématographique et musical. Dans cet essai, ses points de vue sur le film Moonlight, les acteurs Judd Nelson, Tom Cruise, Charlie Sheen, Franck Sinatra, les auteurs Joan Didion ou David Foster Wallace sont particulièrement intéressants et éclairants sur sa vision de l’Amérique.
Même si elles ne sont que des opinions personnelles qui ne devraient donc en aucun cas offenser qui que ce soit, les analyses de Bret Easton Ellis sont à la fois sincères et provocatrices. L’homme aime susciter la contestation, le dialogue. En comparant sa génération X aux milléniaux qu’il surnomme « la génération des dégonflés« , à cause de leur trop grande sensibilité, en opposant l’Amérique d’avant le 11 septembre 2001 à ce qu’il nomme le Post-empire, Bret Easton Ellis porte un regard cinglant sur le déclin de l’Amérique.
Je le suis aisément quand il regrette que le « tout disponible » tue l’excitation, le désir.
» Quand vous vous rendiez dans une librairie ou dans un magasin de disques, ou dans un cinéma ou encore dans un kiosque à journaux, vous preniez le temps d’investir un plus grand effort physique et une plus grande attention dans ces expéditions que lorsque vous cliquez sur quelques boutons… »
Les réseaux sociaux contraignent à l’affadissement de la culture. En s’inscrivant dans une bulle, en enrichissant les « like« , nous nous enfermons dans l’aveuglement, dans le refus de la discussion, de l’argumentation, de l’amélioration de notre point de vue.
Il n’en reste pas moins que Bret Easton Ellis est un provocateur. Ses tweets et cet essai en sont la preuve, même si il se défend de ne chercher aucune polémique. Peut-être justement pour faire réagir, sortir de cette hypocrisie des américains sous l’emprise de la technologie et de la culture d’entreprise.
Des années 50 à 2001, la figure héroïque américaine tel Franck Sinatra respecte le politiquement correct. Avec l’avènement des réseaux sociaux, » n’en avoir rien à foutre de ce que le public pense de vous ou de votre vie personnelle était ce qui importait le plus.« . Au contraire, le public allait même vous suivre avec davantage de ferveur.
Alors peut-on tout dire sur Twitter? L’auteur pense que la liberté d’expression doit permettre de tout dire sans qu’il y ait victime ou offensé. Mais aujourd’hui les « guerriers de la justice sociale » ne laissent rien passer et cherchent l’offense?
Kanye West est-il mal compris? Y-a-t-il une chasse à la sorcière sur Donald Trump, notamment par le ghetto d’Hollywood? Cela semble être l’avis de Bret Easton Ellis qui reconnaît être l’ami du premier mais n’avoir pas voté pour le second, surtout par non engagement politique.
Alors cet essai? Polémique, sûrement un peu. Mais l’auteur rappelle que ce ne sont que des opinions personnelles, sans volonté d’offense. Intéressant, sans aucun doute. J’ai particulièrement apprécié les analyses conduisant au sentiment omniprésent de victimisation dans nos sociétés actuelles. La culture littéraire et cinématographique de l’auteur nous vaut quelques bons moments de lecture.
Une lecture recommandée pour ce regard intéressant et polémique sur le déclin de l’Amérique.
Commentaires
J’ai bien l’intention de le lire, aussi me suis-je contentée de lire directement ta conclusion !
Un auteur polémique, forcément.