Titre : La mer noire dans les grands lacs
Auteur : Annie Lulu
Editeur : Julliard
Nombre de pages : 224
Date de parution : 21 janvier 2021
La narratrice, enceinte, raconte à son futur fils comment elle a échoué là, au bord du lac Kivu. Née à Iasi en Roumanie, Nili Makasi a été élevée par sa mère, Elena Abramovici. Jeune et belle étudiante, celle-ci a vécu une brève histoire d’amour avec Makasi Notembe, un étudiant congolais invité à venir apprendre le communisme en Roumanie puis reparti en son pays après la révolution de 1990. Elena, professeure à l’université de Bucarest a élevée sa fille en la mettant en garde contre les hommes.
Ma mère m’a contrainte à faire des études, pour me racheter d’avoir fait irruption dans sa vie, aussi par peur que je finisse sur le trottoir. Elle a dû fermement réfléchir à ce qu’elle allait faire de moi et penser que la moins mauvaise solution était encore que je lui ressemble le plus possible.
La mère ne parle jamais de son passé à sa fille et devient même violente quand l’enfant l’interroge sur son père. Elle a eu honte de sa fille métisse pendant toute l’enfance de celle-ci et lui a caché les lettres que son père lui a adressées.
Nili fait donc de hautes études car il faut un cerveau bien fait « quand on est une femme gâtée par le malheur d’être bien faite. ». Elle part à Paris pour son doctorat. Sa première histoire d’amour est un échec. Elle mesure combien il est hasardeux de ne s’estimer que dans le regard de l’autre. Surtout quand cet homme n’a aucun respect pour les femmes. Désormais son unique objectif est de retrouver son père.
Lorsqu’elle retrouve trace de sa grand-mère paternelle, elle part la rejoindre à Kinshasa. Sa meilleure amie vient de se suicider, les seules nouvelles de sa mère sont des injonctions à finir sa thèse, plus rien ne la retient dans ce monde pourri.
Au Congo, elle découvre sa famille mais aussi la guerre et la violence. Elle prend conscience des ravages de la colonisation.
L’étranger des pays qu’on dit riches – moi je les appelle le monde pourri, ou bien les pays pauvres parce que c’est vrai qu’ils n’ont absolument rien, pas de sucre, de café, de cacao, d’huile, d’or, d’argent, de pierres précieuses, pas de fer, acier, zinc, aluminium, caoutchouc pour leurs voitures, leurs trains, leurs avions, pas de pétrole pour le plastique ni de gaz pour se chauffer, et c’est pour ça qu’ils nous dépouillent- ,va t’apporter quoi que ce soit d’utile pour arpenter les sentes courbes entre les mornes verts de notre terre volcanique.
En allant à Goma, chez son oncle pour récupérer les lettres de son père, elle va commencer à participer à des manifestations pour la paix avec sa cousine. Les manifestants réclament le départ du président et la tenue de nouvelles élections. Le répression est violente, les manifestants arrêtés sont torturés. Nili est emportée dans un combat brutal mais aussi dans le respect d’une famille et des ancêtres. Des valeurs qu’elle veut inculquer à son fils.
J’ai beaucoup aimé le ton de cette confession. Annie Lulu écrit avec force et passion mais c’est aussi tendre et poétique puisque la narratrice s’adresse à son enfant à naître. De la Roumanie à l’Afrique, l’auteure inscrit cette quête des origines dans la grande histoire mondiale. Mais c’est surtout le parcours d’une jeune femme intelligente, marquée par son éducation, en recherche de tendresse affective, d’une famille, d’un pays. Un très bon premier roman.
Commentaires
Très belle découverte ! Je le note sur le bilan de notre mois de l’Europe de l’Est !
Merci