Titre : Dr K
Auteur : Mirza Waheed
Lettres indiennes
Titre original : Tell her everything
Traducteur : Anatole Pons
Editeur : Actes Sud
Nombre de pages : 272
Date de parution : avril 2022
L’heure des questionnements
Le docteur Kaiser vit sa retraite dans un bel appartement londonien avec vue sur la Tamise. Issu d’une famille pauvre, il a réussi ses études de chirurgien en Inde. Au début de sa carrière, il a passé deux ans en Angleterre avant d’accepter un poste à l’hôpital de M. Farhad dans un pays proche de l’Inde, jamais nommé.
Aux urgences, avec Biju, son ami anesthésiste, il doit souvent intervenir sur des opérations mal réalisées. Très vite, il comprend que ces mains coupées, ces dos lacérés sont le résultat de châtiments infligés pour des vols ou des délits.
La sanction pour un vol, c’est l’amputation.
Très vite, M. Farhad lui propose de prendre en charge un service spécial destiné à « humaniser » les sanctions infligées par la justice.
Le sentiment de bien faire ce qui est de toute façon inéluctable, l’argent et le pouvoir que cette promotion lui rapportent font taire sa culpabilité. Malgré les reproches de son ami Biju, célibataire endurci qui aime la bonne chaire et les bars de la cité d’or, Dr K. fait ce qu’il considère son métier pour le bien de sa femme et sa fille.
Mais, avec le recul, il s’adresse à Sara, sa fille. A la mort brutale de sa mère, elle n’avait que six ans. K. l’a alors éloignée aux Etats-Unis. Voulait-il la protéger de ses activités ?
Lettre morte à sa fille
A cet âge avancé, libéré du poids de ses activités chirurgicales, Dr K. ressasse son histoire. Alors qu’il attend sa visite, il imagine ce qu’il va raconter à sa fille et même ce qu’elle pourrait lui répondre.
Est-il coupable d’avoir accepté de mettre en oeuvre les sanctions de la justice ? Tous les pays, même les Etats-unis, n’utilisent-ils pas des médecins, des soldats, des bourreaux pour appuyer sur le bouton de l’injection létale ou la gâchette d’un fusil ?
Pour moi, le passé est plus comme un parasite essentiel et immortel qui se nourrit de moi, qui me grignote peu à peu.
Mais en voulant avouer le secret qui le ronge à sa fille, le père se trompe de culpabilité. En quelques lettres de Sara, on comprend que son plus grand reproche est l’abandon d’une enfant qui venait tout juste de perdre sa mère.
Un roman troublant
Dans ce roman, tout concourt à créer une atmosphère troublante.
Bien évidemment, le sujet de fond sur l’atrocité d’un système judiciaire amplifié par quelques exemples succincts de personnages qui ont particulièrement marqués le Dr K est révoltant. Mais, cette obsession à chercher le pardon de sa fille, à ressasser le passé, à tenter de « justifier » ses actes laisse l’impression d’un récit décousu. Bien sûr, cela crée aussi une attente, un suspense parce que l’on sent chez le Dr K. l’oppression d’un acte inavouable.
Toutefois, emporté dans un questionnement intime, j’ai eu l’impression de survoler les thématiques.