Sur la route de jostein

Titre : La géométrie des possibles
Auteur : Edouard Jousselin
Editeur : Rivages
Nombre de pages : 608
Date de parution : 3 janvier 2024

 

Les gagnants et les perdants

Héros, nantis, blessés, pantouflards, les pères façonnent leur lignée. Mais qui sont-ils vraiment ? Des êtres aimants qui tentent d’assurer l’avenir malgré leurs blessures. Cependant ils emportent dans leur sillage le destin de leurs enfants. Si chacun a son objectif, la vie impose ses aléas. Et quelles que soient les obstructions, le destin s’accomplit. Certains atteignent le camp des gagnants, d’autres s’enlisent du côté des perdants.
Le choc se vit dès les premières pages avec l’accident entre une Mazerati et une Honda. Point de convergence de la vie de tous ces personnages que nous allons suivre au fil des pages. Du Morvan à Hollywood, des années 90 à nos jours.

Des particules en mouvement

Lucien Michot est enterré comme un héros de la résistance à Quarré-les-tombes, village du Morvan qui doit son nom à la présence de sarcophages mérovingiens autour de l’église. Mais il dînait chaque soir avec les fantômes de ceux qu’il avait trahis.
Sa fille, Isabelle, a quitté son mari pantouflard et ses deux enfants, Maxime et Marine, pour suivre un fils de vigneron devenu producteur de cinéma à Hollywood. Marine, carriériste, poursuit des études de commerce à Paris. Maxime, rejeté par sa mère, végète en bidouillant sur les ordinateurs. Il épaule pourtant son amie Clarice qui rêve de devenir actrice.
Ben Crawford est vainement amoureux de sa colocataire Jessica. Quand elle part étudier en France, il tente de l’oublier puis devient préposé à la traque des crimes sexuels sur le Net au FBI.
William Smith, statisticien dans le bâtiment Alfred P. Murrah, est victime de l’attentat d’Oklahoma City en 1995. Mutilé et profondément choqué, il perd toute confiance en lui. Ses enfants, Steve et Tyler, fans de la série The last fighters, détestent ce père mutilé et dépressif. Steve lâche sa haine sur le darkweb.
Enfin, Candido Rincon, immigré mexicain, gagne un logement et un travail grâce à un acte de bravoure. Abandonné par sa femme, puis licencié, il tente de survivre dans un pays où Trump va ériger des murs.
Avec quelques autres personnages secondaires, chacun se met en mouvement sur cet échiquier où tout est possible. Consciemment ou de manière invisible, ils sont tous liés par les évènements qui se mettent en branle.

Un roman-monde, reflet de nos sociétés

Avec plus de six cent pages et une farandole de personnages, la lecture n’est pas facile. Mais l’auteur nous guide grâce à ce fil invisible qui relie les destins des personnages.
Histoires de filiation, secrets de famille, amours contrariés, rêves de gloire, mesquineries façonnent ces protagonistes dans un environnement toujours en mouvement. Immigration, darkweb, attentats, politique française et américaine, monde étudiant,  télé réalité, Edouard Jousselin dresse un panorama complet du tissu social contemporain. Il pousse même le détail en citant des marques alimentaires ou vestimentaires. Tout est précis et documenté que l’on parle d’informatique, de sport ou d’économie.
Une fois les personnages intégrés, la lecture devient vite addictive et les dénouements à la hauteur de l’attente.
Ce roman audacieux est une belle performance d’auteur. Un auteur qui ose se remettre en question à chaque roman, tout comme Stéphane, son personnage écrivain.

Après un roman d’amour, intimiste et poétique, après une saillie sans concession contre l’esprit de rigolade et votre moi passé, vous nous revenez cette fois-ci avec une fresque historique teintée de réflexions sur notre époque contemporaine. Vous vous trouvez toujours là où l’on ne vous attend pas et, à chaque fois, c’est bien simple, vous faites mouche.

Après cette lecture, j’ai hâte de découvrir le prochain roman.