Titre : Dans la maison rêvée
Auteur : Carmen Maria Machado
Littérature américaine
Titre original : In the dream house
Traducteur : Hélène Cohen
Editeur : Christian Bourgois
Nombre de pages : 384
Date de parution : 19 août 2021
Un récit autobiographique
Avec courage et lucidité, Carmen Maria Machado revient sur sa relation au début de sa carrière avec une femme, aspirante écrivaine comme elle. Nous la suivons depuis l’évidence de la rencontre jusqu’à la libération d’une emprise toxique.
Carmen, brune à lunettes pulpeuse rencontre une fille bon chic bon genre, svelte et androgyne qui semble avoir une grande expérience de la vie. Bien qu’elle soit déjà en couple avec Val, cette blondinette originaire de Floride commence une relation passionnée avec Carmen.
Alors que Carmen poursuit dans l’Iowa un programme de création littéraire, son amante doit se contenter d’une faculté dans l’Indiana. Elle entame une relation à distance, se retrouvant fréquemment dans la maison rêvée de Bloomington ( Indiana) et dans un premier temps dans une forme de polyamour avec Val.
Installées dans ce nouveau lieu, la vie de couple s’installe avec les premiers accès de jalousie et de colère de son amante. Nous entrons dans une forme bien connue des couples hétérosexuels où un pervers narcissique souffle le chaud et le froid sur sa partenaire. Se succèdent alors violences conjugales, tendres réconciliations et pardons, menaces de rupture puis rapprochements soudains.
Intime et universel
Ce qui est peut-être différent ici tient au fait que nous sommes au coeur d’une relation lesbienne. Carmen n’y était pas préparée. Lorsqu’adolescente, elle éprouva une attirance pour une fille de son cours d’anglais, elle ne savait pas ce qui lui arrivait.
Ce qui m’arrivait était une énigme. J’ignorais ce que ça voulait dire, de vouloir embrasser une autre femme.
Des années plus tard, j’ai mis de l’ordre dans tout ça. Mais ensuite, j’ignorais ce que ça voulait dire, d’avoir peur d’une autre femme.
L’auteure entrecoupe son récit d’introspection, de souvenirs de relations passées et d’illustrations issues de films, de contes ou d’affaires criminelles. Cruella, Barbe bleue comme figures extravagantes et menaçantes. Rebecca (film d’Alfred Hitchcock) ou cette épouse jouée par Ingrid Bergman dans Gaslight ( film de George Cukor) en référence aux femmes manipulées par leur mari. Les affaires criminelles citées montrent surtout qu’en cas de violence conjugale dans un couple lesbien, la justice évoque souvent la part de masculinité chez l’accusée.
Fragmenté et libérateur
Ce récit fragmenté est à l’image de l’esprit désagrégé de la narratrice. Incapable de comprendre ce qui l’attache tant à un être pervers, l’auteure cherche une issue vers la libération de cette emprise.
ce combat, tu le mèneras le restant de ta vie.
Et elle réunit des fragments externes pour tenter de comprendre. Cette fragmentation, qui apporte pourtant la matière essentielle, m’a semblé nuire à l’intensité du récit intime. L’auteure ne se concentre pas sur l’évolution d’une belle relation en amour toxique. En fait, nous nous frottons rapidement à cette emprise. Il n’y a pas cette progression lente et sournoise qui envenime la relation de couple. Aussi, j’ai un peu eu l’impression de tourner en rond dans cette relation perverse.
Par contre, ce qui est intéressant mais pas nouveau, c’est de montrer que la violence ne dépend pas du genre. Et la richesse du texte vient surtout de tous ces fragments qui alimentent une compréhension intime.