Titre : Désarrois
Auteur : Christoph Hein
Littérature allemande
Titre original : Verwirrnis
Traducteur : Nicole Bary
Editeur : Métailié
Nombre de pages : 240
Date de parution : 19 avril 2024
L’enfance de Friedeward
Friedeward Ringeling est né le premier septembre 1933 dans l’Eichsfeld. Son père, vétéran de la Première guerre mondiale est professeur d’anglais. C’est un fervent catholique et il pratique une éducation musclée auprès de ses enfants. Si la fille échappe aux violences physiques, les deux garçons sont fréquemment punis à coups de fouet et de martinet.
Et que signifie éduquer ? S’employer à corriger durablement le développement et le comportement des adolescents. Mais aussi, si c’est nécessaire, empêcher tout développement déviant.
Magdalena, la fille, quitte rapidement le foyer pour se marier avec un homme plus âgé, père d’une petite fille. Hartwig, le fils aîné fait une fugue à seize ans. Friedeward reste seul à subir la violence paternelle. Il n’ose pas s’enfuir mais il prie pour la mort de son père.
A l’école, il devient l’ami de Wolfgang Zernick, un nouvel élève. Grâce à la tante de Wolfgang, il découvre une littérature interdite. Dont le livre de Robert Musil, Les désarrois de l’élève Törless qui a inspiré le titre du roman de Christoph Hein. Ce roman d’initiation de Musil évoque la prostitution, le viol et l’homosexualité. De quoi éveiller la sexualité de Friedeward et de Wolfgang et de scandaliser le père du jeune garçon.
Education, religion et politique
Friedeward devra grandir avec la peur permanente d’un père psychorigide. Si le jeune garçon ne peut être croyant, il reste choqué par les menaces de son père et du curé. Tous deux le convainquent qu’il commet un grave péché.
Le péché était un poids, l’idée que la sérénité éternelle ne lui serait pas accordée le tourmentait.
En Allemagne, l’homosexualité est passible de cinq ans de prison. En partant faire ses études à Leipzig avec Wolfgang, le jeune garçon doit être particulièrement prudent.
Certes il s’épanouit sur le plan intellectuel, avec notamment l’enseignement de Goethe, mais il devra user de nombreux subterfuges pour ne pas éveiller les soupçons de sa famille et de son entourage.
Si en 1957, les actes homosexuels entre adultes ne sont plus passibles de sanctions pénales, l’homosexualité reste une source de discrimination.
L’université de Leipzig
Christoph Hein illustre aussi l’ambiance de l’université de Leiptzig et les contraintes d’un pays coupé en deux. Wolfgang, étudiant à Berlin, devra prendre la nationalité ouest-allemande pour trouver un travail. Ce faisant il devient hors-la-loi en RDA.
Après de brillantes études et malgré l’obtention de son habilitation en 1965, Friedeward devra attendre quinze ans avant d’être nommé professeur car il n’a pas la carte du parti. Invité par des universités étrangères, il peine à obtenir des visas et reste toujours sous surveillance.
Friedeward, toujours en lutte contre son destin et contre lui-même, ne trouve jamais le repos. Pas même quand après le réunification, le ministère met le nez dans les documents de la Stasi.
Un roman fort et touchant qui offre un beau final malgré la permanence de la discrimination.