Titre : Mémoire de fille
Auteur : Annie Ernaux
Éditeur: Gallimard
Nombre de pages : 160
Date de parution : avril 2016
» C’est l’absence de sens de ce que l’on vit au moment où on le vit qui multiplie les possibilités d’écriture. »
Annie Ernaux écrit depuis des années des textes autobiographiques. Elle porte un regard distancié sur sa jeunesse, apprenant au lecteur à vivre avec ses souvenirs, ses regrets, ses doutes.
De ce roman, Annie Ernaux dit qu’il était la pièce manquante de son histoire, le récit du vécu de la fille de 58. L’évènement à l’origine de la honte.
En lisant L’évènement, L’autre fille ou La place, je pensais connaître les blessures stigmatisantes de l’auteure. Un avortement, le décès prématuré d’une sœur, le malaise de la réussite sociale face aux parents épiciers sont des raisons profondes de mal-être. Mais ce qui s’est passé dans cette colonie de S. pendant l’été 58 doit être décortiqué pour donner sens à la vie et à l’écriture d’Annie Ernaux.
» J’ai voulu l’oublier cette fille. L’oublier vraiment, c’est à dire ne plus avoir envie d’écrire sur elle. Ne plus penser que je dois écrire sur elle, son désir, sa folie, son idiotie et son orgueil, sa faim et son sang tari. Je n’y suis jamais parvenue. »
Plus de cinquante ans après, cette fille de 58 en laquelle elle ne se reconnaît pas au début du travail d’écriture doit être « désincarcérée »
« Je ne construis pas un personnage de fiction. Je déconstruis la fille que j’ai été. »
Ce qui, aujourd’hui, peut sembler banal, une première expérience sexuelle à dix-huit ans, fut pour Annie Duchesne un évènement qui perturba son comportement pendant des années et qui, aujourd’hui encore donne sens aux choix de l’auteure adulte.
Sortie de son milieu familial basé sur l’interdit, du pensionnat, Annie envie ces moniteurs libérés de la colonie. H., le moniteur-chef est le premier à la séduire, elle n’y résiste pas. Ce qui est important pour elle ne représente rien pour lui. Elle en souffre mais fait tout pour rester dans le cercle heureux de ceux qui pourtant l’humilient.
Même si la lecture du roman de Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe lui donnera les clés pour comprendre la honte, jamais elle ne parviendra à l’effacer.
En observant la fille de 58 au travers des photos et des notes retrouvées, en alternant le récit du passé et l’analyse de la femme d’aujourd’hui, Annie Ernaux donne à comprendre ce qui semblait si opaque à l’adolescente. Des évènements insurmontables qui sont pourtant les aiguillages qui guident le chemin vers la construction de soi, vers ce besoin d’écriture qui devient rapidement vital à celle qui sera une femme de lettres incontestable.
Ses romans sont un témoignage vibrant de la condition féminine des années 60. Certaines phrases ont toutefois comme un accent intemporel.
» Chaque jour et partout dans le monde, il y a des hommes en cercle autour d’une femme, prêts à lui jeter la pierre. »
Commentaires
Bien envie de relire Annie Ernaux! Je note ce roman.
Je n’ai toujours pas eu l’occasion de découvrir Annie Ernaux que je croise pourtant régulièrement sur les blogs.
Un témoignage sur la condition féminine des années 60
Je n’ai jamais lu cet auteur. Je ne sais pas si cela me plairait. Elle semble torturée.
Peut-être pas torturée mais il me semble que l’auteur ne peut se détacher du passé comme une culpabilité par rapport à sa réussite.
je ne suis pas une grande fan d’Annie Ernaux mais je pense lire celui-là, un jour!
A lire et à faire lire aux jeunes pour la mémoire d’une époque. Féminité, famille, adolescence, des sujets toujours d’actualité de toute façon
Tu en parles très très bien, et j’ai retrouvé tout le souvenir de ma lecture dans ton billet… Un roman essentiel pour elle, et sans doute pour nous un peu aussi…
J’aime cette distance entre l’analyse de la jeune fille et celle de l’adulte des années après.
Un roman émouvant. Une lecture que j’avais beaucoup aimé.
Je me souviens de très bons avis sur ce livre.