bauchauTitre : L’enfant rieur
Auteur :Henry Bauchau
Editeur : Actes Sud
Nombre de pages : 336
Date de parution : 2 novembre 2011

Résumé :
Il lui aura fallu attendre le très grand âge pour rencontrer enfin en lui-même cet enfant rieur qu’il aurait pu être si les
circonstances, deux guerres, et quantité d’incertitudes écrasantes pour sa jeunesse, avaient rendu cela possible. A tant d’années de distance, afin de ne pas imposer au personnage principal son « moi actuel, qui depuis lors a tant vécu », il s’agit pour lui de ré-imaginer à partir des souvenirs. Voilà pourquoi ce livre est à lire comme le roman des commencements d’une vie, dans une société désormais lointaine : un monde plus paysan qu’urbain, fait de grandes maisonnées, de vastes parentèles, de fermes et de terres et de chevaux, mais aussi de règles strictes, de droits et devoirs inégalement partagés entre les sexes, de profond respect pour les lois, les hiérarchies… et de tentatives de révolte. Tout en chapitres courts composés avec vivacité, dans l’écriture si transparente et sereine qui, alors, ne lui était pas encore advenue, Henry Bauchau raconte ici (de 1913 à 1940) une partie importante de « son époque ». Et lui qui a longtemps cru qu’il deviendrait un « homme d’action », lui qui a si tardivement rencontré sa vraie vocation d’écrivain puis la notoriété littéraire, lui qui, pour tant de lecteurs, depuis longtemps fait figure de vieux sage, prend un visible et malicieux plaisir à redessiner les péripéties dangereuses et les courants contraires dont a fini par s’affranchir l’enfant rieur.

Mon avis :
A 98 ans, Henry Bauchau témoigne par un récit autobiographique d’une période historique importante puisqu’elle comprend les deux guerres mondiales et la crise économique de 1929.
L’enfant rieur, enfant miraculé sauvé de l’incendie de la maison de Louvain où il était avec ses grand-parents pendant la première guerre mondiale, perd cette légèreté en rencontrant son premier soldat allemand. A 3 ans, il reconnaît la langue de l’ennemi et son sourire s’éteint.
Après une jeunesse difficile marquée par la guerre, le chômage de son père, les déménagements successifs et ses problèmes de santé, Henry peine à grandir et à retrouver son sourire. Pourtant, il observe à la manière naïve mais lucide de l’enfance cette période tourmentée.
Tout d’abord, grâce aux histoires de son père puis par la lecture, il découvre l’imaginaire et l’action. Elevé dans un milieu bourgeois et religieux, il se pose des questions sur son engagement envers Dieu et l’humanité. Il se laisse influencer par Raymond, qui veut créer un ordre monastique laïc. Il découvre la politique, une autre littérature et l’amour. Tout d’abord, ce sont des émois de jeunesse, puis une attirance étrange pour le beau Théo et ensuite l’amour piège pour Mary,  une émigrée russe, ancienne fiancée de son frère. Jalouse, violente, dépensière, elle deviendra vite une charge pour Henry.
J’ai beaucoup aimé les premières parties parce que l’on y sent la maladresse du jeune homme. Il observe, emmagasine et essaie de  comprendre les autres, lui-même et les évènements de son époque. Derrière chaque émotion, on ressent cette blessure, cette peur de l’ennemi allemand.
L’auteur abandonne parfois la narration à la première personne pour laisser parler le personnage  qu’il représente, cet enfant rieur caché.
La dernière partie est consacrée à son engagement lors de la seconde guerre mondiale et se termine sur le regret d’avoir du obéir à l’ordre de capitulation du roi belge. Henry semble alors avoir failli personnellement et l’on perçoit que cela restera pour lui une blessure profonde.
 » Pour la première fois, je ressens ce que c’est d’être prisonnier et sans arme. Sans arme! C’est comme cela que je me suis
senti depuis lors. Heureusement, il y a eu l’écriture, qui est une autre arme. »
J’aurais aimé alors en savoir plus sur la suite de sa vie. Bien sûr, retrouver Laure qui concrétise enfin le réel amour réciproque et vivre les engagements ultérieurs de cet homme sage et lucide, qui se lance pourtant si facilement dans l’action, comme pour contrer cette fragilité de l’enfance.
J’avais déjà beaucoup apprécié Le boulevard périphérique, roman écrit en 2008, pour la qualité de l’écriture et la fragilité de l’émotion. Ici, c’est, en plus, un témoignage important et inespéré puisque vécu par l’auteur d’une large période historique capitale. Je ne peux que remercier et respecter cet auteur poète belge qui témoigne avec une grande émotion.

A noter qu’une fois de plus, Actes Sud réunit un superbe texte et une très jolie couverture pour cette édition.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

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