Titre : L’ordre du jour
Auteur : Eric Vuillard
Éditeur : Actes Sud
Nombre de pages : 160
Date de parution : 3 mai 2017
Après Tristesse de la terre et 14 Juillet, Eric Vuillard s’installe en conteur d’évènements historiques, loin des faits ressassés des livres d’histoire. Dire qu’il vulgarise l’Histoire serait réducteur, il lui donne une lumière différente en incarnant de manière anecdotique les faits, en donnant du poids aux personnages qui transmettent une vision humaine.
L’Histoire se vit, se ressent. Et de ces analyses sur le passé, le lecteur ne doit-il pas retenir une mise en garde sur le présent?
Tout commence le lundi 20 février 1933. Vingt-quatre chefs d’entreprise, costumes trois pièces, crânes chauves, » le nirvana de l’industrie et de la finance » sont réunis au Palais du Président de l’Assemblée par Hermann Goering. Là, le chancelier Hitler leur demande de financer la campagne électorale pour faire triompher le parti nazi.
« il fallait en finir avec un régime faible, éloigner la menace communiste, supprimer les syndicats et permettre à chaque patron d’être un Führer dans son entreprise. »
Rien qui ne leur semble aberrant, la corruption est un poste du budgets des grandes entreprises.
Que dire de la bienveillance de Lord Halifax lorsqu’il rencontre Goering en novembre 1937? Tant d’évènements annonciateurs de la folie d’Hitler avaient déjà eu lieu ( Dachau, la nuit des longs couteaux…)
Sans parler de cette comédie jouée par Schuschnig, le chancelier d’Autriche, déguisé en skieur pour rencontrer Hitler en février 1938 à Berchtesgaden.
» Le Führer attirait les autres à lui par une force magnétique, puis les repoussait avec une telle violence, qu’un abîme s’ouvrait alors, que rien ne pouvait combler. »
Par faiblesse, Schuschnig cède à la demande d’Hitler de nommer un nazi comme ministre de l’Intérieur en Autriche. S’engage alors une danse macabre entre le Président et le chancelier autrichiens et Hitler.
En mars, les Panzers allemands foncent sur l’Autriche. Enfin foncent…si ils n’étaient pas tombés en panne le long de la route. La démonstration de force tourne court. Et pourtant les films de propagande nazie montrent ces chars dans les rues de Vienne acclamés par la population enfin libérée. L’Anschluss semble une réussite prodigieuse mais, déjà à l’époque, la communication est manipulée, les acclamations post-synchronisées. Hitler voulait faire croire à l’Europe que c’est en sauveur du peuple autrichien qu’il s’engageait dans ce projet et non pour annexer le pays.
Et pendant ce temps, le Premier ministre anglais se retrouve coincé par un envoyé d’Hitler à un déjeuner à Downing street.
Eric Vuillard s’amuse et nous amuse en fouinant dans les petits travers de l’Histoire. Non content de trouver les anecdotes qui cristallisent notre mémoire en mettant cependant en exergue les rouages d’un drame historique, il nous délecte d’images et de mots inhabituels.
Ici, on flanoche, piapiate, esquiche, rognonne et on s’amuse de la palinodie du président autrichien.
Mais si la littérature permet tout, si l’auteur démonte avec ironie un engrenage historique fatal, c’est pour mieux montrer où peut conduire les comportements irresponsables de chefs d’entreprises, politiques, décideurs, aveugles des conséquences d’un choix personnel et intéressé.
Commentaires
Bien envie de gouter cette plume et découvrir cet auteur. Mais du coup, lequel me conseillerais-tu ?
Tout dépend ce que tu aimes. Tristesse de la terre est un peu plus long, plus proche du roman d’aventure mais avec toujours cet apport historique. 14 Juillet et L’ordre du jour sont davantage dans le regard personnel d’un fait historique mais avec aussi beaucoup d’humanité.
Je n’ai pas lu ceux avant Tristesse de la terre. Ce qui est sûrement dommage mais j’y viendrai.
Je le note, j’aime son écriture, sa façon de nous déc rire l’histoire
Formidable, ton billet, sur ce livre qui ne l’est pas moins ! Une lecture vraiment éclairante, qui nous permet aussi de regarder notre époque avec plus de discernement.
Un excellent auteur qui ne me déçoit jamais
Malgré tout le bien que tu en dis, je ne suis pas tentée, n’ayant pas aimé du tout le style du précédent roman de l’auteur.
Inutile de continuer, nous sommes dans le même style avec ce nouveau roman
Enfin lu. J’ai beaucoup aimé 🙂 Je pense lire d’autres romans de l’auteur.