Titre : Une joie féroce
Auteur : Sorj Chalandon
Éditeur : Grasset
Nombre de pages : 320
Date de parution : 14 août 2019

Brigitte, Mélodie, Assia et Jeanne sont en route vers la place Vendôme. elles vont commettre un hold-up à main armée dans une des plus grandes bijouteries de Paris. Comment en sont-elles arrivées là?

Jeanne Hervineau, trente-neuf ans, est une femme mariée, tranquille, rangée. Sa vie va changer quand elle apprend qu’elle a un cancer du sein. Une tumeur agressive mais isolée. Le protocole de soins est rapidement fixé : opération, chimiothérapie puis cinq ans de traitement. Matt, son compagnon n’assume pas cette nouvelle. Il a déjà perdu sa mère, sa sœur d’un cancer. Il ne peut plus supporter l’odeur, la vision de la maladie. La perte d’un fils avait déjà ébranlé le couple.

Jeanne doit partir seule en lutte contre le cancer. Une maladie qui vous fait voir la vie autrement. Courage et férocité sont nécessaires.

Aux séances de chimiothérapie, elle rencontre Brigitte, une excentrique solaire. Avec son amie Assia, et la jeune Mélodie, elles vont devenir le réconfort de Jeanne. L’Autre est essentiel pour supporter les épreuves de la maladie.

Quelques bribes du passé de chaque personnage montrent que chacun porte ses blessures. L’Histoire ne manque pas de fléaux : femmes tondues, génocide, vol de la mort, violence familiale, mort de proches. « Cela faisait trop de drames à la fois. ». Peut-être mon regret sur ce récit. Mais il faut toucher le fond pour se réapproprier rageusement son destin.

A elles quatre, aujourd’hui, elles forment une famille, se soutiennent et se communiquent cette joie féroce indispensable pour survivre.

« Elle et les autres se moquaient de la maladie. Elles riaient de la mort. Allaient à la chimio comme d’autres à la manucure. C’était dur, pourtant. Chacune souffrait, pleurait, poussait un cri au moment du lever. Mais aucune ne se plaignait. Un vertige? Une histoire drôle. Un vomissement ? Une pirouette. Une bouffée de chaleur? Une glace pour faire passer. Comme moi, elles avaient peur. J’en étais persuadée. Mais jamais elles ne le montraient. »

Le roman de Sorj Chalandon ne se concentre pas sur le cancer et ses conséquences. Avec ces quatre femmes exceptionnelles, il montre la transformation inévitable des comportements face à la maladie.

« Ensemble, elles ont détruit le pavillon des cancéreux pour élever une joyeuse citadelle. »

Chalandon, narrateur hors pair, tient son lecteur, l’embarque dans son récit. Vous vous laissez porter…mais Sorj Chalandon attend ce moment pour vous surprendre et sortir une carte inattendue qui bouleverse le jeu.

Avec ce sujet intime et personnel, l’auteur laisse sa plume dévier autour du sujet principal. Le récit se teinte de luminosité sous l’amitié naissante de ce groupe de filles, se veut rocambolesque autour du hold-up, retrouve de la noirceur avec le passé des personnages. Certes, l’auteur ne souhaite pas faire un roman plaintif sur la maladie. Mais l’ensemble n’atteint la profondeur de romans plus marquants comme Mon traître, Retour à Killybegs ou Le quatrième mur. Il n’en reste pas moins la grande qualité d’écriture de Sorj Chalandon.

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

19 août 2019 à 10 h 13 min

Je ne suis pas trop tentée, ni par le thème, ni par la manière dont l’auteur l’a traité. Pour moi, Le quatrième mur est son meilleur, incontestablement !



19 août 2019 à 12 h 45 min

Magnifique chronique, je suis en tout point d’accord avec toi.



19 août 2019 à 15 h 37 min

Merci pour cette chronique ! Difficile de comparer tel livre ou tel autre d’un même auteur. Je ne suis plus la même personne que celle qui a lu mon premier Chalandon. De plus, en tant que lecteur, les mots d’un livre ne peuvent réagir de la même façon qu’avec une autre’personne cela dépend de cette rencontre singulière entre un sujet et notre histoire… Mais, ce qui est sûr c’est que j’ai beaucoup aimé celui-ci. 😃



    19 août 2019 à 16 h 47 min

    Il me semble que ce sujet personnel était important pour l’auteur. Et il en a fait ce qu’il voulait transmettre sur la manière inévitable dont la maladie vous transforme. Cela se respecte aussi.



19 août 2019 à 15 h 55 min

Je viens de l’acheter et j’ai hâte de le lire; je n’attends pas l’équivalent du 4e mur mais peut-être une surprise finale comme dans Le jour d’avant.
Je termine Où bat le coeur; merci de ce conseil de lecture: j’aime et ne suis pas gênée par mon incompétence en jazz (relative car mes parents n’écoutaient que cela).
Mon grand intérêt pour les amérindiens me donne envie de lire Ici n’est plus ici de T Orange car il parle de la situation actuelle des indiens des villes .
J’attends aussi le Fatou Diome, copine perdue de vue et celui de mon amie Samira el Ayachi: c’est la sortie du 21 août: nous rentrons le 22, il me faudra attendre le 23 ou 24…



    19 août 2019 à 16 h 49 min

    Contente de savoir que le roman de Hayat était un bon conseil de lecture. Nous avons les mêmes souhaits de lecture ( mais mes souhaits sont nombreux et variés). Je lirai le Tommy Orange et j’espère plus tard le Fatou Diome et le Samira el Ayachi. Bonnes lectures



20 août 2019 à 19 h 43 min

Ca me fait plaisir de lire une critique assez positive de ce roman que tant de lecteurs n’ont pas aimé. Je ne l’ai pas encore lu mais j’aime beaucoup cet auteur et du coup, je recule le moment de découvrir ce roman.



21 août 2019 à 18 h 46 min

Une grande qualité d’écriture ? Je l’ai trouvé trop journalistique dans ses derniers romans.



annie-france belaval
21 août 2019 à 19 h 49 min

J’ai au contraire apprécié la différence entre le journaliste qui écrivait pour Libé lors de l’événement; au début le roman peut paraître de style journalistique mais c’est vraiment un roman d’un grand écrivain et la chute est terrible.



11 octobre 2019 à 9 h 21 min

Bonjour,
Pour moi, qui aime Sorj Chalandon, il montre ici son talent une fois de plus et j’ai pensé ça aux premières lignes parce que bon… ceci, je l’écris dans mon post à venir. Je crois que certaines réactions de recul sont directement liées à ce que dit l’auteur de l’entourage, parce qu’aussi, d’un autre côté, cette idée du « gang » de femmes un peu déjanté et improbable qui propulse l’histoire dans du pur roman d’aventure offusque certaines personnes aussi. Quant à moi, ce livre m’a profondément et personnellement touché. Et je remercie cet écrivain de tant de compréhension des êtres et des vies



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