Titre : Paradise Nevada
Auteur : Dario Diofebi
Littérature américaine
Titre original : Paradise, Nevada
Traducteur : Paul Matthieu
Editeur : Albin Michel
Nombre de pages : 656
Date de parution : 23 août 2023
Un décor de rêve
Vegas ! Le paradis des flambeurs, un monde de luxe et d’ambition, de rêves et de désillusions.
Le Positano Luxury Resort & Casino a été construit en 1999 par le millardaire Al Wiles. Réplique d’un village amalfitain, il est le souvenir d’une maîtresse enfuie.
Ce premier mai 2015, une bombe posée dans le salon Scarlatti signe la fin d’un monde pour tous ceux qui s’y sont retrouvés un an plus tôt.
Des personnages en rupture
Ray Jackson, fils de libraires californiens, a quitté de brillantes études pour se lancer dans une carrière de joueur de poker en ligne à Toronto. Surdoué en mathématiques, il vient pourtant de connaître sa première défaite. Contre un ordinateur ! Avec l’interdiction en 2011 du poker en ligne, Ray veut absolument renouer avec la victoire à Vegas.
Son sentimentalisme, ses pannes décisionnelles, tous ses problèmes trouvaient leur source dans son passé
Mary-Ann rêve d’être actrice mais elle se perd dans une éphémère et décevante carrière de mannequin sur les réseaux sociaux. Sa tante la pistonne pour un poste de serveuse dans le complexe de Wiles. Jeune et jolie, elle a le profil de l’emploi, contrairement à sa tante qui sera bientôt licenciée en raison de son âge.
Tom habite le quartier de Rebibbia à Rome. Son frère l’entraîne dans une partie de poker où le jeune homme chanceux gagne un voyage et un séjour à Vegas. Là, entraîné par Trevor, il décide de rester en devenant un immigré en situation illégale.
Désormais, il osait nourrir des aspirations pour lui-même.
Lindsay, est issue d’une famille mormone. A vingt-huit ans, elle vit avec son frère, un geek ralenti par la maladie de Guillain-Barré. Depuis un reportage repris par CNN, elle cherche le scoop qui lancera sa carrière de journaliste.
C’était la seule fois de sa vie où elle avait pris une décision allant clairement à l’encontre de ce qu’on attendait d’elle, à l’encontre de sa communauté, à l’encontre de la tradition familiale.
Chacun de ces quatre personnages est en rupture avec le passé, en quête d’un avenir radieux. Nous allons les suivre dans cet enfer doré de Vegas avec leurs illusions, leurs luttes, leurs espoirs jusqu’au croisement de leur destin en ce jour du premier mai 2015.
Un premier roman réussi, ambitieux et rythmé
Né en Italie, Dario Diofebi porte un regard extérieur sur l’Amérique. En se plaçant à Vegas coeur battant du poker qu’il connaît bien, il est au centre du pouvoir de l’argent et des désillusions d’une jeunesse en quête de sens.
l’idée maîtresse concernant une fois de plus l’inévitable déclin auquel était condamnée une société communautaire fondée sur la solidarité une fois qu’elle avait été contaminée par les bacilles de l’argent et de l’individualisme.
La construction de ce roman est remarquable, ambitieuse mais plutôt maîtrisée. Il faut prendre le temps de connaître chacun des personnages, de comprendre leur passé pour profiter ensuite du potentiel du récit et du dénouement. Même si parfois, je me serais bien passée de traîner sur des chemins de traverse ( notamment dans l’Ouest avec Orson et Lindsay).
L’auteur entrecroise les parcours des quatre personnages principaux balayant ainsi les problèmes de confiance en soi, d’immigration, de classes sociales, de piratage informatique, de féminisme, de la création littéraire, du leadership dans les universités américaines. Les personnages secondaires finissent de balayer le microcosme diversifié de Vegas. Et finalement, dans ce monde où chacun n’a d’yeux que pour ses petites histoires, la connexion réelle à l’autre n’est-elle pas la solution? L’avenir n’est peut-être pas dans le changement mais dans la défense de ce que l’on aime.
Si l’humanité était un système multi-agents, s’affinant lentement au fil du temps et d’erreurs innombrables, alors c’était dans les connexions entre ses nodules individuels qu’advenait le progrès. Dans le partage, l’amendement, le pardon. Tout se résumait à cela, nous ne sommes qu’un gigantesque réseau neuronal connecté par des sentiments et tendant vers le bien.
Commentaires