Auteur : Wole Soyinka
Littérature nigériane
Titre original : Chronicles from the land of the happiest people on earth
Traducteur : David Fauquemberg et Fabienne Kanor
Editeur : Seuil
Nombre de pages : 544
Date de parution : 25 août 2023
Un pays imaginaire
Wole Soyinka, prix Nobel de littérature en 1986 revient après cinquante ans de silence avec un roman foisonnant, une satire politique sur son pays. Nous sommes vraisemblablement dans un Nigéria imaginaire mais avec la réalité de Boko Haram et quelques allusions à la crise sanitaire du COVID.
Dans ce pays des gens les plus heureux du monde, il existe un ministère du bonheur. Le parti du peuple en mouvement a créé la fête du choix du peuple organisée le week-end suivant la fête de l’Indépendance. A cette occasion, le chef du quotidien The national Inquest remet aux lauréats les titres de Yeomen of the Year. C’est l’occasion de grandes fêtes démesurées.
D’ailleurs dans ce pays, tout est démesuré. Comme par exemple, Eukumenika, le lieu prestigieux au sommet d’une décharge publique, où Papa Davina, un évangéliste au passé trouble, officie.
Le Gong des quatre
Le coeur narratif du récit tourne autour de quatre personnages. Autrefois étudiants en Angleterre, ils créent au Nigeria la Marque Pays.
Duyole Pitan-Payne , issu d’une riche famille, est aujourd’hui un ingénieur renommé et intègre prochainement promu comme correspondant aux Nations Unies.
Kighare Menka, son frère de coeur né dans la région pauvre de Gumchi, est un chirurgien réputé. Il est nommé pour un titre des Yeomen of the year.
Prince Badetona, financier déchu et amorphe depuis son emprisonnement, ne fera ici qu’une brève apparition.
Le quatrième larron, Farodion reste un mystère qui toutefois, nous réserve une surprise lors du dénouement.
Entre de nombreuses digressions, nous suivons les péripéties autour de Dusoye et de Kighare pris dans une affaire de commerce de parties de corps humains.
Politique et spiritualité
L’enquête de Dusoye et de Kighare est empêchée par les magouilles du chef spirituel Papa Davina et du premier ministre Sir Goddie. Tous deux appartiennent à la secte des Rose-Croix et entendent bien allier spiritualité et politique pour faire du business.
Les gens de notre peuple se fichent bien des choses faites pour la beauté. Pour eux, c’est une perte de temps. Tout ce qu’ils ne peuvent pas manger n’a aucune valeur.
Une partie de la famille de Pitan-Payne fait partie de leur congrégation. Et ils espèrent bien empêcher le projet de Dusoye de construire pour Kighare une clinique pour les victimes de Boko Haram à Gumchi.
Un lourd récit satirique
A l’image du titre, ce roman est particulièrement lourd. Et ironique, puisque le bonheur n’est qu’un étalage clinquant de quelques privilégiés.
L’auteur mêle l’histoire plutôt intéressante du gong des quatre avec une satire du pays. Elle est bien évidemment utile et éclairante mais elle déborde parfois dans une lourde narration. Les quelques notes d’humour ne suffisent pas à alléger l’évocation des sévices subies par des enfants ou des corps déchiquetés.
La folie de la société civile était cependant unique en son genre, et elle le rendait malade. Le tourmentait. Comme l’accusation muette, yeux écarquillés, de cet enfant de trois ans violé par un grand-père de soixante-seize ans. Si seulement cela était resté – comme c’était le cas pour des millions de gens – une simple matière pour les pages sanglantes de la presse, facilement exorcisée par l’immersion dans des activités , quelles qu’elles soient, pourvu qu’elles apportent un remède ! Mais hélas, il n’en était rien . Le nombre de victimes de ces guerres tout aussi acharnées à démolir l’humain était peut-être plus limité, mais leurs ravages internes excédaient ceux des bombes furtives et des Kalachnikov balayant joyeusement les foules. Toutes n’avaient-elles pas un point commun où elles se rejoignaient : la négation de l’humanité, ou du moins la perspective de sa fin ?
Sous cette histoire loufoque, parfois humoristique, Wole Soyinka dénonce les dérives de la société nigériane : la corruption, l’emprise des forts sur les plus faibles, la manipulation par les croyances, le pouvoir des sectes, des politiques, des différents clans. Des hommes intègres comme Dusoye ou Kighare ne peuvent y survivre. Le regard de l’auteur est pertinent, l’enquête de Kighare passionnante mais pour vraiment les apprécier, il faut savoir surfer sur une narration tentaculaire.
Commentaires
Dommage pour la lourdeur car la satire a l’air intéressante. As-tu lu d’autres titres de cet auteur ?
Non c’était ma première lecture de cet auteur
Je ne savais pas que l’auteur africain écrivain encore.
Il n’avait pas écrit depuis longtemps
Oui lourd très lourd répétitif. J ai abandonné à la moitié
Je rechigne toujours à abandonner. En général, les pavés prennent leur sens sur la longueur. Ici, si l’histoire prend effectivement du sens, la narration est complexe de bout en bout