Titre : Il neige sur le pianiste
Auteur : Claudie Hunzinger
Editeur : Grasset
Nombre de pages : 224
Date de parution : 21 août 2024

 

Le miracle de la nature

Avez-vous déjà eu la chance de croiser une biche sur la route ou dans un bois ? D’avoir le temps de sentir son regard ? Comment ne pas éprouver un immense bonheur en cet instant ?

Je m’étais immobilisée et longuement je l’avais observé comme s’il m’était donné par une chance infinie de voir un dieu plongé dans la pur contemplation du monde. Sa ramure était dorée, de l’os, pas du bois, pas de la corne, non de l’os, je le savais, et elle irradiait. Son pelage incroyablement précis, fouillé, de la pure réalité. Les muscles de son cou, le trapèze et le grand dorsal, déjà sculptés par les hormones du brame, et ses épaules élargies. Pourquoi aurais-je voulu m’en approcher davantage ? Pour me fondre dans ses muscles, le devenir ? Pour atteindre l’instant magique où l’on s’apprête à toucher enfin un cerf qui ne s’enfuirait pas ?

Claudie Hunzinger vit dans une maison plantée en bordure de la forêt. Elle vit avec cet environnement, en respire les odeurs, s’enivre de ce calme, reconnaît la faune et la flore.

La beauté nous protège de la mort. Transmettre, partager la beauté nous protège de la mort.

Elle entend les messages de la forêt et manie les onomatopées du langage du vent et  des arbres. Avec ce nouveau livre, elle est encore et toujours cette nature qui l’emplit, la porte. Et c’est un émerveillement de la suivre en ce lieu. Il me semble d’ailleurs qu’elle s’enfonce de plus en plus dans la magie de la nature. Peut-être jusqu’à en entendre les accords, la musique d’un pianiste.

J’étais en route pour la sauvagerie.

Un renard et un pianiste

Alors que les bûcherons massacrent la forêt, la narratrice aperçoit auprès de sa maison, un jeune renard affamé. Elle lui donne à manger et le guette chaque matin.

Ceux qui ne veulent pas tuer n’en ont pas fini de soigner le monde autour d’eux, c’est comme ça.

Au même instant, son amie Ysé lui parle d’un musicien slave qu’elle admire. En remerciement d’un roman offert, le pianiste envoie à la narratrice un disque, une interprétation de Bach. Le pianiste promet de faire un saut chez elle entre deux concerts. Une tempête de neige le retiendra plus longtemps dans la maison renversée de la narratrice.
Un renard, un pianiste, deux êtres sauvages, taiseux, sensibles. La narratrice les admire le soir, comprend leur musique, mais respecte trop leur liberté pour les retenir.

Une vieillesse sauvage

Cette amoureuse du monde déteste les chasseurs et les sorties en ville. Elle ne vit bien que dans la solitude de son repère. Son vieil amoureux monte parfois du village pour la regarder, elle aime sa culture et sa tendresse. Mais entre le renard et le musicien, elle entrevoit une possible histoire d’amour. Ou de tendresse. En tout cas, une belle vibration, une vulnérabilité en pleine nature.

Dans sa vieillesse solitaire, peut-elle espérer vivre une nouvelle histoire.  Elle ne veut rien perdre d’un moment de féérie. Elle assume ce corps qui s’effondre, cette peau qui se froisse.

Je ne veux pas dans cette histoire aller du côté des deux Marguerite, Yourcenar et Duras, du côté des femmes que la vieillesse a transformées en crapaudes sacrées, l’une en houppelande, l’autre à col roulé, du côté de la passion pour un homme plus jeune.

Renard, pianiste énigmatique semblable à un animal fabuleux, une manière de remettre un peu d’ordre dans le chaos du monde, de briser la solitude de la vieillesse.

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

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