Titre : Harvey
Auteur : Emma Cline
Littérature américaine
Titre original : Harvey
Traducteur : Jean Esch
Editeur : La Table Ronde
Nombre de pages : 112
Date de parution : 6 mai 2021
En l’appelant uniquement par son prénom, Emma Cline met en scène, Harvey Weinstein, ce producteur américain qui défraya la chronique pour ses abus sexuels sur les femmes de son entourage professionnel. Celle qui avait déjà traité dans The girls des rouages de la soumission en campant une jeune fille au sein d’une secte de la famille Manson, continue à explorer ces rapports d’emprise et de séduction. Tout comme DeLillo qu’elle admire et qu’elle insère dans sa fiction, elle s’intéresse aux pouvoirs manipulateurs des personnes.
Dans la maison somptueuse d’un ami, Harvey, homme vieillissant souffrant affreusement du dos, un bracelet électronique à la cheville, vit sa dernière journée avant le résultat de son procès. C’est un homme dans le déni, persuadé d’être victime plus que coupable, toujours obsédé par la course vers la gloire que nous propose l’auteure. Le producteur profite du luxe du lieu, mange des bonbons en visionnant des séries, plane lors d’une séance de traitement pour calmer les douleurs de son dos sans oublier de fantasmer sur l’infirmière. Fort de son pouvoir, se sentant protégé par son âge, rien ne peut l’atteindre. Sans en avoir conscience, accaparé par son regard sur lui-même, il vit dans ses illusions.
Emma Cline aime jouer avec la complexité des personnages. Elle ne juge pas les actes de cet homme que beaucoup exècrent. Non, s’inspirant de ce que l’on connaît de son tempérament, elle imagine ce qui se passe dans la tête d’Harvey en ce moment précis.
Si chacun est conscient du dénouement du procès et embarrassé par sa culpabilité, Harvey se pense encore soutenu par Dieu. D’ailleurs n’a-t-il pas aperçu Don DeLillo, son voisin? Ce mirage suffit à créer chez lui des rêves de gloire. En adaptant White noise, il connaîtra une nouvelle fois un moment de triomphe.
Si l’on ne connaissait pas l’homme, Emma Cline pourrait nous apitoyer sur ce personnage sénile, souffrant, enfermé dans son déni. Mais ce n’est certes pas son objectif. En campant un narcissique vieillissant, elle finit de descendre ce monstre de son piédestal.
Un court roman, bien travaillé qui donne un nouveau regard sur Harvey Weinstein, producteur influent du cinéma américain accusé d’agressions sexuelles par plus de quatre-vingt-dix femmes. L’homme qui a permis une prise de conscience internationale sur le harcèlement devient sous les yeux d’Emma Cline un vieux narcissique pitoyable dans le déni.
Commentaires
Le genre de lectures qui me rebute, malgré tout le bien que tu en dis.
Le genre de lectures qui me rebute, malgré tout le bien que tu en dis.
Merci pour ta chronique qui m’évitera une lecture car je n’ai pas envie de me lancer même si le livre est très court. Ton compte-rendu me plaît mais pas le sujet.
Merci pour ta chronique qui m’évitera une lecture car je n’ai pas envie de me lancer même si le livre est très court. Ton compte-rendu me plaît mais pas le sujet.
Girl était déjà l’évocation d’un fait réel revu et à nouveau l’auteure pioche dans l’actualité…. Pas tentant pour moi 😉
Girl était déjà l’évocation d’un fait réel revu et à nouveau l’auteure pioche dans l’actualité…. Pas tentant pour moi 😉
Elle s’inscrit dans un créneau spécifique sur le pouvoir, la manipulation. Il y a de quoi faire!