Titre : Les abeilles grises
Auteur : Andreï Kourkov
Littérature ukrainienne
Titre original : серые пчелы
Traducteur : Paul Lequesne
Editeur : Liana Levi
Nombre de pages : 400
Date de parution : 3 février 2022
La zone grise
Sergueï Sergueïtch, ancien inspecteur de la sécurité des zones minières, vit dans la zone grise à la frontière du Donetsk. D’un côté, vers Jdanivka, stationne l’armée ukrainienne. De l’autre se massent les séparatistes pro-russes.
Tous les habitants de Mala Starogradivka ont fui au début des combats. Dans ce petit village pris entre deux feux, il ne reste que Sergueï et son ennemi juré, Pachka. Les deux hommes vivent sans électricité, sans ravitaillement, sans information. Si Pachka traîne souvent en zone russe, Sergueï reçoit la visite nocturne d’un jeune soldat ukrainien. Chacun trouve des solutions pour charger un portable, avoir quelques vivres.
Faute d’autres occupations, les deux ennemis s’entraident et aiment partager un repas ou un thé souvent arrosé de vodka.
Un pacifiste amoureux de la nature
Sergueï ne fait pas de politique même si l’on perçoit parfois chez lui une légère aversion pour les Russes. Il s’amusera d’ailleurs à inverser le nom de sa rue Lénine avec celui de son voisin.
Son bonheur, il le doit à ses abeilles et aux souvenirs de sa femme vêtue d’une belle robe ou du gouverneur prisant sa vision thérapeutique du bourdonnement de ses abeilles.
Aussi quand le bruit des canons se rapproche, Sergueï n’hésite pas à franchir les barrages pour emmener ses abeilles butiner au calme en Ukraine. Laissant ainsi Pachka la larme à l’oeil seul dans cette zone dangereuse.
Mais le danger est partout. Installé paisiblement dans un bois dans la zone de Zaporijjia, Sergueï est attaqué par un ancien soldat ukrainien. Sous les conseils de son amie Galia, il reprend la route vers la Crimée. Là, il espère retrouver son ami Ahtem, un apiculteur Tatar rencontré vingt-cinq ans plus tôt dans un congrès.
Un conflit sous-jacent
Débonnaire et amical, Sergueï est bien accueilli partout où il passe. La famille d’Ahtem se réjouit de son arrivée et l’aide à installer ses ruches dans un endroit idyllique près de la mer. Malheureusement il apprend qu’Ahtem a disparu, enlevé deux ans plus tôt alors qu’il se rendait à la mosquée.
Dans ce lieu paisible au coeur d’une nature bienveillante, Sergueï perçoit rapidement la peur de certains habitants de cette région protégée par les Russes.
Un personnage très attachant
Sergueï a la simplicité attachante d’un coeur pur.
La sagesse de la nature, voilà ce qui enchantait Sergueïtch.
Son empathie, son amour de la nature masquent les peurs et les doutes que génèrent ce conflit sournois. Mais les suspicions, les cadavres sont là dans le silence de cette guerre fratricide.
Les marques d’humanité de Sergueï sont d’autant plus touchantes. Ce sont des petits gestes simples comme un message régulier au soldat ukrainien avec ces simples mots « Vivant ? » ou des services rendus à la famille d’Ahtem.
Andreï Kourkov est un excellent conteur. Avec humour, nostalgie et lyrisme, l’auteur nous aide à comprendre la complexité du conflit actuel. Et il nous rappelle la beauté des lieux et l’humanité des habitants d’une zone massacrée par la mégalomanie d’un dirigeant.
A lire absolument.
Commentaires
Tous les avis concordent me semble-t-il autour de ce roman que j’ai de plus en plus envie de lire.
Je partage tes sentiments; j’aime beaucoup Kourkov et quand je l’ai rencontré nous avions parlé de la place Maïdan. Lui qui est plein d’humour était pessimiste.
J’avais prévu de lire ce roman ce mois-ci mais le temps m’a manqué. Ton avis rejoint ceux que j’ai pu lire sur d’autres blogs
J’ai beaucoup aimé le personnage créé par Andreï Kourkov, et qui illumine le roman.
Les premières pages m’avaient embourbées, et je les avais trouvé bien grises. J’ai fini par lâchement abandonner le livre.
Dommage mais tu le reprendras peut-être plus tard