Titre : Les ravissements du Grand Moghol
Auteur : Catherine Clément
Éditeur : Seuil
Nombre de pages : 336
Date de parution: 10 mars 2016
La lecture est souvent un voyage dans le temps et l’espace. Mais, avec mes deux derniers livres, je me rends compte que lecture et voyage se complètent. L’un rendant l’autre plus riche et plus proche. Ce roman historique de Catherine Clément me touche d’autant plus qu’il me remet en mémoire des lieux visités il y a près de trente ans ( oui, je sais, cela me met une sacrée claque).
Je revois, et surtout je ressors les photos, de cette forteresse rouge en plein désert, Fatehpur Sikri. Je me souviens d’Agra, du tombeau d’ Humayun. Et de l’histoire d’Akbar, fils d’Humayun et d’une « Begun aux seins plats » descendante de Gengis Kahn, Maryam Makani qui dirigea l’Empire Moghol de 1556 à 1605.
Akbar est une personnalité étrange. Il ne sait lire ni écrire mais il a une mémoire gigantesque. De sa naissance, on lui considère des pouvoirs de guérisseur. Ses crises d’épilepsie lui laissent entrevoir des visions célestes qui guident par la suite son comportement.
Souverain de l’Hindoustan à quatorze ans, adoré de sa mère, il fait construire un palais en plein désert, Fatehpur Sikri qui devient ainsi capitale de l’Empire.
Grand amateur de chasse et de guerre, son premier ravissement après la rencontre d’un jeune garçon et d’une fille allaitant un faon, lui révèle qu’il faut laisser le sang vivant et cesser la chasse.
Fils d’un sunnite et d’une chiite, marié à une hindoue à laquelle il laisse libre choix de son culte, Akbar rêve d’unifier toutes les religions de l’Inde et de chasser l’intolérance.
Dans sa Maison de l’Adoration, il convie les fakirs, yogis, soufis qui furent ses amis d’adolescence, les puissants mollahs chiites et oulémas sunnites, un vieil hindou « pouilleux » récemment converti en musulman, les parsis du Gujarat, les juifs de Cochin, les Jaïns, disciples du Dieu Shiva et trois jésuites venus le convertir sur demande du roi d’Espagne.
» Nous, Shah in Shah, déclarons ouverte la Maison de l’Adoration afin que soient librement discutées toutes les croyances de notre empire et que soient comparés les principes des fois et religions, ainsi que les preuves et évidences sur lesquelles ils s’appuient, de sorte que l’or et l’argent puissent être séparés des alliages ordinaires. »
Inutile de vous dire que ces débats seront pour le moins houleux, que de cette volonté de conciliation naîtront violence et complot.
Catherine Clément, avec son talent de conteuse et d’historienne, ajoute à la précision historique sa touche lumineuse. Quel plaisir d’observer les caprices des uns et des autres ( le Grand prêtre refusant de s’asseoir sur le même sol que les autres doit être soulevé dans une nacelle ou à la rigueur être éventé personnellement par un garde), d’imaginer les costumes ( tenue de Ciel c’est à dire nudité totale pour un jaïn ou justaucorps de soie verte et jupe de gaz fleurie pour le général des armées impériales).
Quelle belle rencontre que celle d’un empereur moghol possédant un harem et de trois jésuites contraints au célibat, notamment avec le frère Monserrate qui succombe aux charmes d’une belle esclave russe.
» Nous constatons avec regret qu’il existe plusieurs sentiers religieux, et que chacun d’entre eux se croit le meilleur…Ne pas croire aux mêmes dieux, ne pas avoir les mêmes idées, et voici que surgit le mépris et la guerre. »
Personnalités truculentes, reparties cinglantes, complots, amitiés inattendues servent ce récit historique d’un bel idéal de tolérance avec le sens du romanesque et de l’humour de Catherine Clément.
Commentaires
Ca me tente bien. Je ne suis pas vraiment roman historique, mais ton billet est très tentant ! Un que j’avais bien aimé, qui était d’ailleur plus aventure humoristique qu’historique pur et dur, c’était « Comment les grands de ce monde se promènent en bateau » chez Flammarion.
Je lis peu de romans historiques mais avec un bon auteur, c’est passionnant. Je vais me renseigner sur ton titre, qui, rien qu’à lui seul promet beaucoup
En polar historique, pour moi la référence c’est Indrek Hargla qui te plonge dans l’Estonie moyenâgeuse. Passionnant !
Il a l’air bien ! Je note le titre 🙂
L’écriture de l’auteur semble particulièrement belle et l’histoire bien tramée.
Belle écriture et belle réflexion
Après celui de Lol V. Stein, une autre sorte de ravissement.
Ceux-ci me semblent plus abordables. Je ne suis pas une grande lectrice de Marguerite Duras
Je n’ai pas encore lu ce roman. J’attendais de lire un avis de lecteur. Je pense que je vais essayer de le trouver en livre d’occasion. J’avais plutôt bien aimé le précédent roman de l’auteur, « La reine des cipayes ».
La reine des cipayes est dans ma PAL