Titre : Badjens
Auteur : Delphine Minoui
Editeur : Seuil
Nombre de pages : 160
Date de parution : 19 août 2024
Naître fille
Elle aurait dû être effacée à la naissance. Son grand-père prônait l’avortement, pourtant interdit par l’islam.
L’islam, religion d’État, interdit l’avortement.
Sauf qu’en Iran tout se négocie, même la religion.
Mais elle viendra au monde vingt et un jours après le terme, comme si elle craignait d’affronter son destin. Son père la nommera Zahra mais pour sa mère, elle sera toujours Badjens ( mauvais genre en persan).
Quand trois ans plus tard, son frère Mehdi vient au monde, adulé comme un Roi Soleil, elle mesure la différence implacable entre les deux sexes. Et elle en vivra chaque jour les effets.
L’éducation des filles
A neuf ans, la maîtresse d’école offre à chaque fille un tchador et un foulard à l’occasion de la Fête des devoirs.
Avec la complicité silencieuse de sa mère, Badjens profite toutefois de quelques libertés. Mais brimée, elle devient une adolescente rebelle au grand dam de son père. Très vite, elle fera l’expérience de la lubricité et de l’omnipotence des hommes.
Avec ses personnages, Delphine Minoui montre l’évolution des femmes au cours des générations. La grand-mère, victime d’un mariage forcé et de violences conjugales, pense qu’une femme doit obéir sans discuter. La mère de Badjens n’a pas choisi sa vie mais elle a participé à des manifestations dans sa jeunesse. Aujourd’hui, muselée par son mari, elle agit en catimini pour défendre sa fille. Elle dispose en fait d’une certaine liberté sous conditions.
Son portable, c’était quelque chose de sacré : le graal d’une Iranienne à l’enfance sacrifiée par la révolution et la guerre qui pouvait enfin se faire plaisir.
Badjens fait partie de la génération qui se révolte. En hommage à Mahsa Amini, tuée pour un voile mal porté, Badjens, seize ans, monte sur les barricades.
Pour ne pas mourir, il faut assassiner le silence.
Un hommage aux jeunes Iraniennes
Dès les premières lignes, Badjens, sur les barricades, s’impose comme un symbole. Nous découvrons ensuite sa vie depuis sa naissance jusqu’à ce mois d’octobre 2022 où elle n’a que seize ans. Une vie à l’image de toutes ces jeunes iraniennes, muselée par le pouvoir des deux allatoyas, dont les portraits trônent sur les murs de la classe.
Ce sont des jeunes femmes qui veulent écouter la musique, s’habiller librement, être reconnues et respectées comme leurs frères.
Et en ce jour d’octobre 2022, elles s’entraînent mutuellement et osent changer de peau, affronter le pouvoir.
Delphine Minoui touche par la simplicité du récit et le charisme de son personnage. Si malheureusement, chaque lecteur connaît la situation décrite ici, il n’en reste pas moins insensible . Badjens a l’empathie nécessaire pour rendre hommage à toutes les Iraniennes.