Titre : La discrétion
Auteur : Faïza Guène
Editeur : PLON
Nombre de pages : 256
Date de parution : 27 août 2020
Dès ses premiers romans, Faïza Guène m’a interpellée par son style bien particulier, une langue moderne, vive, teintée d’argot de la rue. A l’image du titre de ce dernier roman, l’auteure me semble ici plus discrète pour rendre hommage à la génération de ses parents, ceux qui ont dû faire profil bas pour s’insérer dans un milieu qui ne voulait pas essayer de les comprendre et de les intégrer. La vigueur argotique de Faïza Guène, on la retrouve peut-être ici dans le personnage d’Hannah, une des filles du couple de Yamina et Brahim Taleb. Si Yamina, aujourd’hui septuagénaire, ne voit pas ou refuse de voir la condescendance dans les propos de certains français, Hannah réagit violemment face à un agent administratif impoli.
En alternant l’histoire de cette famille en Algérie, au Maroc puis à Aubervilliers et le présent de parents résignés et d’enfants marqués par une histoire familiale fragmentée , Faïza Guène illustre ce qu’est la vie des générations d’immigrés. Yamina est née en 1949 dans un village de l’ouest de l’Algérie, alors colonisée. Fille aînée, elle sera privée d’éducations pour élever ses frères et soeurs qui, eux, auront un métier. A trente ans, son père se résout à la marier à Brahim Taleb, un immigré de quarante ans qui l’emmènera en France et lui fera quitter à grand regret sa terre natale. Si l’exil est particulièrement difficile pour cette jeune femme très attachée à son père et sa terre, elle finira par aimer Brahim, un homme bon et si amoureux de sa femme qu’il en est très touchant et que ses filles auront bien du mal à trouver un partenaire à la hauteur. Ils auront quatre enfants, trois filles de caractère bien différent et un fils, inévitablement choyé au point de perdre toute confiance en lui. « La misogynie se transmet de mère en fille » dit Amin Maalouf.
Dans le pays en guerre de Yamina, « rester invisible était une question de survie. ». Ce sentiment, elle le gardera toute sa vie. En France, dès son arrivée et surtout après les attentats, cette phrase est toujours d’actualité. Et, elle le reste pour les enfants, nés sur le territoire français, écartelés entre deux cultures.
Sans s’appesantir sur les violences d’un passé qu’on devine et connaît, Faïza Guène décrit pourtant parfaitement les blessures de Yamina. La difficulté de l’exil est présente, nimbée de quelques bonheurs éphémères que le couple a su préserver : une famille honnête, des retours réguliers au pays, un coin de jardin où pousse un figuier emblématique.
Avec ce roman, l’auteure expose parfaitement la difficulté de cette génération qui ne trouve sa place ni en Algérie ni en France. « Raciste? Pas raciste? » pour eux, la question se pose à chaque rencontre.
« Quand on est légitimement français, on n’a pas besoin de le prouver, encore et encore! »
Une histoire maintes fois lue mais toujours nécessaire à rappeler pour qu’enfin chacun puisse vivre ensemble. La douceur et la discrétion de Faïza Guène servent particulièrement bien cette histoire qui devient un hommage à tous ces parents sacrifiés mais si aimants et soucieux de livrer une bonne éducation et à ces héritiers d’une histoire en fragments avides de pouvoir vivre sans honte et sans violence.
Commentaires
Belle chronique sensible ! Bravo. Moi aussi j’ai bcp aimé 😉
Une autrice que j’ai suivi dans ces débuts et que j’apprécie. Merci pour cette belle chronique
Tout comme moi
J’ai le souvenir d’une histoire apaisée.
Oui, en phase avec le titre