Titre : Crénom, Baudelaire!
Auteur : Jean Teulé
Éditeur : Mialet Barrault
Nombre de pages : 432
Date de parution : octobre 2020
Après la lecture de Gare à Lou!, je craignais de replonger dans l’univers actuel de Jean Teulé. Si l’auteur a su nous charmer avec ses premiers romans, ses récentes parutions sont de plus en plus choquantes. J’ai accepté de lire cette nouvelle proposition, d’une part pour encourager l’arrivée d’une nouvelle maison d’édition et d’autre part en espérant un retour dans la veine historique grâce au nom de Baudelaire. Certes, le Crénom dans le titre était plutôt de mauvaise augure.
Jean Teulé ne s’est pas assagi, il continue à être cet auteur au franc-parler, anticlérical et parfois obscène. Mais il a trouvé en Baudelaire un personnage qui lui ressemble. Et il s’en donne à cœur joie.
Charles naquit en 1821 de François Baudelaire, ancien curé, sexagénaire et de Caroline, une jeune femme âgée de vingt-sept ans. Quand le père meurt en 1827, Charles n’a que cinq ans et il voue un amour possessif pour sa mère.
« Je trouve la passion de cet enfant pour madame poussée jusqu’à la bizarrerie. »
Quand, dix-neuf mois plus tard, Caroline se remarie avec l’officier Jacques Aupick, Charles le vit comme un abandon. Renvoyé du lycée Louis Le Grand, Charles est envoyé sur un paquebot en direction de Calcutta par son beau-père. Mais il fera vite chemin arrière pour mener la grande vie à Paris grâce à son héritage. Dépensant sans compter, sa mère le fait mettre sous tutelle. Sans argent, atteint de la syphilis, Charles abuse du laudanum et autres drogues. Il vit une relation tumultueuse avec une prostituée noire, Jeanne Duval.
« L’excès en tout! Telle est sa devise.»
Beaucoup seront choqués par certaines scènes scabreuses, comme le seront à l’époque les juges au sujet de certains poèmes des Fleurs du Mal. Mystifié par l’illusion de l’amour maternel, Charles n’est pas un romantique! Souvent sous l’emprise des drogues, son comportement est choquant. Mais le personnage historique est là, dans toute sa splendeur. Jean Teulé déploie ici tout son talent à décrire l’ambiance des rues misérables de Paris bientôt enjolivées par les travaux d’Haussmann. Je retrouve aussi son humour quand l’éditeur Poulet-Malassis devient Coco Mal Perché ou quand Baudelaire passe un entretien pour siéger à l’Académie française.
C’est un grand plaisir de redécouvrir la vie de Baudelaire et quelques uns de ses poèmes et de constater une fois de plus que le génie doit attendre longtemps avant d’être reconnu.
« Vous y appliquez votre théorie musicale. C’est royal, voyez-vous, cela. Il faudra bien que, tôt ou tard, on en reconnaisse l’humanité et la grandeur absolu. En attendant, monsieur, quel éloge que le rire de ceux qui ne savent pas vous respecter!»
Je ne regrette pas d’avoir donné une nouvelle chance à cet auteur. Je ne connaissais pas si bien la vie de Baudelaire. J’ai donc beaucoup appris dans cette version qui donne un bon aperçu du personnage, de ses contemporains, de l’époque. Lire Jean Teulé, c’est accepter son langage. Tant que l’histoire reste au premier plan, j’y consens tout en profitant de l’humour de ce grand écrivain sulfureux.
Commentaires
Un de mes prochains ! Hâte après cette chronique !
Je surveille ton avis
J’ai lu à travers les chroniques que Jean Teulé revenait à ses anciennes narrations moins olé olé que les dernières et je l’avais comme toi abandonné. Je l’ai en audio alors peut-être 🙂
Toujours aussi provocateur mais apparemment cela s’applique bien à son personnage
j’avais adoré Je, François Villon, un peu moins Le magasin des suicides, et je n’avais pas du tout accroché à Fleur de tonnerre. Donc, Teulé n’est clairement pas une priorité, même si celui-ci semble mieux que les précédents.
Je n’avais pas lu Je, François Villon, je ne peux donc pas te dire si c’est à cette hauteur.
Tu arriverais presque à me convaincre de renouer avec la lecture de Jean Teulé.
Presque…
je n’ai lu que « Le magasin des suicides » et pas emballée, alors je n’ai pas retenter… Alors que j’ai un autre de ses romans en attente…
J’ai bien aimé l’entendre parler de son roman lors des émissions littéraires « culturelles » donc je vais tenter 🙂
Gare à Lou était vraiment bizarre
Je l’ai mais de côté pour cause de trop à lire. Oui, il faudrait que je renoue avec Teulé, mais, c’est vrai qu’il fait un peu peur depuis quelques temps
Avant que les librairies ne ferment, j’ai lu le premier chapitre sur le bateau avec le poème l’albatros en chute, j’ai bien aimé, mais j’ai quand même hésité à me lancer dans cette lecture. Ta chronique me redonne envie de le lire 🤔 Merci et bonne semaine à toi !
Oui, on a la chance de relire quelques beaux poèmes de Baudelaire dans ce livre
J’ai adoré.
Bien mieux que le précédent!