Titre : L’autre Joseph
Auteur : Kéthévane Davrichewy
Éditeur : Sabine Wespieser
Nombre de pages : 280
Date de parution : 7 janvier 2016
Dans La mer noire, Kéthévane Davrichewy nous a émus en mettant en scène sa grand-mère maternelle géorgienne exilée en France. Après quelques romans moins ancrés dans la mémoire familiale, elle revient en ce début d’année avec l’histoire de son arrière grand-père paternel, né à Gori en Géorgie. Joseph Davrichachvili, fils de Damiané, préfet de Gori a partagé sa jeunesse avec un autre Joseph, Joseph Djiugachvili autrement dit Staline.
Deux garçons idéalistes, bercés par les histoires de brigands caucasiens qui les enracinent dans un pays qu’ils auront à cœur de défendre contre la russification, mais rivaux surtout dans le cœur de Damiané.
Pour la protéger d’un mari violent, Damiané a pris la mère de Staline (appelé Sosso dans son enfance) à son service et s’occupe souvent de l’éducation du jeune garçon. Les attentions de Damiané, les ressemblances physiques entre les deux garçons font courir les rumeurs.
Très vite, les deux jeunes garçons s’adonnent à la violence dans des jeux de lutte, au vagabondage, s’organisent en bandes rivales.
» En Karthli, les bandits sont à l’honneur. Hors-la-loi, ils s’opposent aux coutumes de l’administration russe, si différentes de celles de la population locale. »
Lorsque Joseph part au collège à Tiflis chez son oncle, il se lie d’amitié avec Lev Rosenfeld ( le futur Kamenev du triumvirat soviétique), jeune garçon timide malmené mais très érudit. Pendant ce temps, Sosso est au séminaire, lui aussi à Tiflis.
Les deux adolescents se croisent régulièrement, se toisent.
Choqué par les injustices ou influencé par un professeur d’histoire qui sera d’ailleurs renvoyé, les deux garçons s’engagent rapidement dans les mouvements révolutionnaires du Caucase.
» On ne laisse pas une jeunesse se faire, on fait la jeunesse. »
Abandonnant le séminaire où l’autorité veut le transformer non seulement en prêtre mais surtout en russe, Sosso remplace la religion par le marxisme. Il crée le mouvement Koba, sera déporté en Sibérie en 1903.
Joseph a plutôt la volonté de défendre son pays. Son père l’envoie à Paris pour suivre ses études. » Moi, je voudrais simplement faire quelque chose pour la Géorgie, qu’on y vive mieux, qu’on nous laisse être géorgiens. »
Toutefois, lorsque le tsar Nicolas II accorde la Douma aux peuples de l’Empire en octobre 1905,les deux Joseph forment chacun leur milice, organisent vols d’armes et rackets. Staline est plutôt un organisateur de l’ombre alors que Joseph s’engage sur le terrain et devient un renégat, accusé de pillage à main armée.
» L’héroïsme se transforme en crime, et le crime en héroïsme selon la comédie que jouent les hommes, dira Joseph à Guivi lors d’une ultime virée parisienne. Une seule chose reste intacte, c’est la valeur de l’homme qui se bat pour un idéal. »
Expulsé en Suisse, Joseph repart à Paris, abandonne Aneta ( arrière grand-mère de Kéthévane) vit de petits boulots, perd sa fierté et son amour propre jusqu’à ce qu’il s’engage dans l’aviation.
Il refusera de rejoindre Staline en Russie.
» Craignait-il Staline? Il est évident que la destinée de son camarade a forcément pesé sur toute sa vie. »
C’est bien après la mort de son père, très proche d’Aneta, que Kéthévane prend conscience de cette part d’ombre de Joseph dans la vie de son père. Lors d’un salon du livre sur l’île de Ré, une coïncidence veut que Charles Aznavour lui parle de Joseph.
» Il n’y a plus personne pour répondre à mes questions, je ne peux qu’inventer les réponses et faire de sa vie un roman. »
Un roman qui nous apprend beaucoup sur la situation en Géorgie au début du XXe siècle mais qui, restitué sous la forme d’un récit à la troisième personne, entrecoupé de chapitres sur le travail de l’auteur, n’a pas la sensibilité et l’émotion de La mer noire, mon roman préféré de l’auteur.
Avec son talent d’écrivain, Kéthévane Davrichewy ne pouvait passer à côté d’un tel héritage et nous priver de cette vision inédite et romancée de la jeunesse de Staline en rendant un bel hommage final à son père.
Commentaires
Ton billet est très tentant, et ce livre me réconciliera peut-être avec l’auteur, dont « Les Séparées » m’était tombé des mains, je m’étais ennuyée comme rarement avec ce roman.
On n’est pas dans le même registre des deux derniers romans. Il peut donc te plaire davantage.
Oserai-je avouer que c’est en premier lieu le nom de l’auteur, terriblement exotique, qui m’intrigue dans toute cette histoire ?
En tout cas ce livre faisait partie de mes premiers repérages de la rentrée de janvier, et ton billet malgré ses légères réserves ne peut que m’encourager à m’y plonger !
C’est tout de même une histoire ( certes romancée) de la jeunesse de Staline que je n’imaginais pas. Et le rapport des deux Joseph est très bien vu.
La mer noire m’attend sur l’étagère. Je vais le mettre sur ma table de chevet (chose faite)
Je crois que tu vas aimer. Je guette ton avis
J’avais adoré La mer noire, beaucoup moins les deux romans suivants, mais je suis prête à retenter avec ce roman plus familial, et qui s’intéresse à la grande histoire aussi.
On repart dans l’histoire familiale assez incroyable, je dois dire. Mais avec beaucoup moins de chaleur que dans La mer noire qui reste le plus beau roman de l’auteure.
Une des libraires de Dialogues, grande fan de cette auteure, l’a moins apprécié que ses précédents romans. Alors, j’attendrai qu’il soit à la biblio et sans en attendre de trop.
Je comprends car je suis un peu dans le même cas. Tellement d’émotion dans La mer noire, on est ici plus dans le récit, la restitution de recherches familiales.
J’ai adoré La mer noire (seul roman de l’auteur que j’ai lu). Je suis prête à retenter l’aventure. Celui-ci semble beaucoup plus sombre et moins intimiste alors je ne sais pas si c’est celui que je choisirais.
J’avais beaucoup aimé La mer noire également. Je te sens moins enthousiaste pour celui-ci.
Personnage moins attachant. Mais La mer noire était tellement bien
je note mais pour plus tard, je n’en ai pas envie maintenant tout de suite.
Kéthévane Davrichewy… Encore une auteure que je n’ai pas lue. Ça a l’air sublime…!
A découvrir avec La mer noire
Il me faisait envie, mais je note de ne pas m’attendre non plus à l’exceptionnel.