Titre : Frapper le ciel
Auteur : Agata Tomazič
Littérature slovène
Titre original : Tik pod nebom
Traducteur : Stéphane Baldeck
Editeur : Tropismes
Nombre de pages : 181
Date de parution :
Un plan sur deux hommes
Sur l’esplanade d’un immeuble abritant les locaux d’un journal, deux hommes font une pause cigarette. Ils ne se connaissent pas encore. Cette rencontre comme dans un film où aurait pu jouer Ashton Kutcher est le fil rouge de cette histoire.
Metod, rédacteur en chef d’une cinquantaine d’années, se sent mal parmi ces jeunes loups d’un journal qui vit une nouvelle fois un rachat et des licenciements. Dans quelques instants, il devra rencontrer le futur mécène du quotidien à l’agonie.
Ozbej est un jeune geek qui a fait fortune aux Etats-Unis. Suite à une levée de fond participative, il est le donateur le plus généreux. Celui qui aura le droit d’imprimer son propre édito et d’accompagner le rédacteur en chef pendant une journée. Futur dirigeant d’un journal qui doit entrer dans une nouvelle ère.
Metod
Si Metod a accepté cet arrangement c’est pour sauver une femme de ménage. Sans connaître son nom, elle est la seule personne qui lui apporte réconfort et amour. Car ce cinquantenaire aisé mais assez insignifiant est un homme solitaire, sans descendance. Autrefois, il a eu une aventure avec une femme de dix ans son aînée, mais il a fui devant son désir d’enfant. La violence de son propre père résonne encore dans sa tête.
Pour Metod, condamner un être innocent à porter sur le monde le même regard que lui constituerait la chose la plus terrible et la moins attentionnée.
Tourné vers le passé, il peine à accepter l’agonie de la presse écrite au profit des nouvelles méthodes des jeunes journalistes.
Ozbej
Ozbej n’a pas connu son père. Élevé par ses grands-parents, il ne supporte pas cette mère qui vient une fois par an pour le bombarder de questions. A dix-sept ans, avec son premier ordinateur, il monte une opération de hacking. Son grand-père est à la fois furieux et fier. Avec ses colocataires d’un appartement dans la Silicon Valley, Ozbej fait fortune en vendant une application un peu fumeuse.
Côté coeur, blindé par ses blessures d’enfance, il peine à concrétiser une relation affective avec une jeune femme rencontrée virtuellement.
Deux hommes incapables d’aimer
Ces deux hommes sont ravagés par leur passé. Sombres, solitaires, ils gardent leurs blessures bien cachées. En revenant régulièrement sur leur rencontre, l’auteure nous fait découvrir leur passé.
Au début du vingtième siècle, on disait que l’argent se trouvait sur les routes et que l’on avait qu’à se baisser pour le ramasser. Au début du vingt et unième siècle, il est clair que l’argent se trouve sur la toile, il est seulement nécessaire de savoir l’attirer.
Une narration non linéaire, des personnages ténébreux, des flashs sur un SDF, sur des rencontres ou une mort accidentelle, une trace d’humour rendent la lecture plutôt difficile. Mais j’ai aimé croiser ces deux hommes. L’auteur nous guide finement vers leur lien.
Quelque soit le siècle, le lieu, la fortune, le manque d’amour dans l’enfance suscite inévitablement un malaise chez l’adulte. Et l’on ne peut affronter l’avenir qu’en faisant la paix avec son passé.