Titre : Zabor ou les psaumes
Auteur : Kamel Daoud
Littérature algérienne 
Editeur : Actes sud
Nombre de pages : 336
Date de parution : août 2017

 

Le dilemme du fils maudit

Zabor a le pouvoir de prolonger les vies de ceux qu’ils enferment dans ses écrits. Aussi, le jour où son demi-frère vient le chercher pour écrire au chevet de son père agonisant, un dilemme s’impose à Zabor.
D’un côté, il aimerait voir mort ce père qui l’a renié mais d’autre part, il veut aussi prouver que son don peut le sauver.
Hadj Brahim, son père, l’avait abandonné lui et sa mère dans un village lointain au sud d’Aboukir. A la mort de sa mère, détesté par sa belle-mère et accusé d’avoir poussé son demi-frère dans un puits, Zabor, deux ans, est confié à Hadjer, sa tante célibataire. Elle loge dans une petite maison au bas de la colline où habite la famille du père. Plus tard, Hadj Brahim y relèguera  aussi le grand-père souffreteux et muet.
Zabor est un enfant particulier. Sujet à des crises, des évanouissements, il refuse de manger de la viande en mémoire de la souffrance des moutons égorgés par son père boucher. Isolé, le jeune garçon se réfugie dans la lecture. Il lit et relit tout ce qu’il peut trouver.

Mon corps, la ressemblance avec ma mère, mon choix alimentaire et ma voix bêlante, tout incarné le revers de sa fortune qui enflait comme une colline en haut du village.

Entre fragilité et hérésie

Zabor est considéré comme un garçon étrange. Ses crises commencent le jour où il constate les différences de langue entre l’école et le village. Plus tard, à l’école coranique, il découvre la futilité des lectures du Livre sacré.

Je n’étais pas devenu incroyant, mais je regardais ma religion comme un manuel épuisé.

Ses crises lui interdisant de sortir le jour, il erre dans les environs la nuit, plantant parfois ses cahiers au pied des arbres. Il soupire devant les fenêtres de Djemila, enfermée suite à son divorce. Mais son père refuse son mariage. C’est dans les livres que l’adolescent découvre la sensualité.
Les autres se méfient de lui mais savent l’appeler quand la mort doit être repoussée. Telle Scheherazade, Zabor, en écrivant sans s’arrêter, repousse le moment fatidique.

Le pouvoir de l’écriture

Pourquoi écrit-on et lit-on des livres ? Pour s’amuser, répond la foule, sans discernement. Erreur : la nécessité est plus ancienne, plus vitale. Parce qu’il y a mort, ily a une fin, et donc un début qu’il convient de restaurer en nous. Écrire ou raconter est le seul moyen de remonter le temps, le contrer, le restaurer ou le contrôler.

Avec ce roman ancré dans ce pays natal qu’il aime tout en dénonçant ses abus, Kamel Daoud montre tout le pouvoir qu’il confère à l’écriture.

Ecrire, c’est écouter un son, le préserver et tourner autour, sans cesse, pour tenter d’en rendre la mélodie, s’en approcher le plus possible pour le conduire de l’oreille à la bouche.

Ce roman est moins abordable que l’excellent Houris qui vient d’obtenir le Prix Goncourt. C’est sans doute lié à la complexité du personnage et au fait que le récit de cette nuit d’agonie du père est entrecoupée des faits qui nous aident à cerner la personnalité de Zabor. Mais quel merveilleux hommage à l’immortalité de l’écriture, au pouvoir des livres. Surtout dans un pays où les corps et voix peuvent être cachés.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

8 novembre 2024 à 14 h 30 min

Je vais commencer par lire Houris. Je verrai pour celui-ci après.



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