Titre : Daddy Love
Auteur : Joyce Carol Oates
Littérature américaine
Titre original: Daddy Love
Traducteur : Claude Seban
Éditeur : Philippe Rey
Nombre de pages : 272
Date de parution : 7 avril 2016

 

Une fois de plus, Joyce Carol Oates nous entraîne vers le côté le plus sombre de l’âme humaine avec ce personnage de Daddy Love alias Chet Czechi ou Chester Cash, un prédicateur pédophile. De son passé, nous ne saurons que peu de choses. Abandonné à l’âge de douze ans, il se retrouve en prison jusqu’à vingt et un ans pour la mort de son cousin. Depuis, il enlève de jeunes enfants pour en faire des esclaves sexuels jusqu’au début de leur adolescence. Vers douze ans, devenu inutiles, il s’en débarrasse pour repartir avec un jeune garçon.
Le récit commence par l’enlèvement de Robbie Whitcomb, cinq ans, sur le parking d’un centre commercial où sa mère a malheureusement lâché sa main. Cette scène, Dinah, nous la fait revivre plusieurs fois sur les quatre premiers chapitres comme un film qui la hantera et la culpabilisera à tout jamais.

«  Tout chez elle était brisé et tordu, sauf le souvenir acéré de la main de l’enfant arrachée à la sienne. »

Joyce Carol Oates nous épargne les scènes scabreuses de la détention de Robbie mais les allusions sont suffisamment claires pour imaginer le pire. Par contre, elle montre parfaitement comment Daddy Love « dresse » celui qui «  était destiné à être son fils » à coup de punitions bien plus fréquentes que les récompenses et d’endoctrinement sur la mauvaise éducation et l’abandon de ses parents. L’enfant devient rapidement un être soumis, apeuré incapable de rébellion, d’envie de fuite malgré sa liberté d’aller finalement seul à l’école.
C’est souvent le côté pervers des histoires de Joyce Carol Oates, les attitudes des personnages choquent parfois davantage que les évènements. Comment un enfant martyrisé peut-il en arriver à percevoir un sentiment d’amour, une peur d’abandon envers son bourreau?

«  A moins d’avoir vécu l’enfer que Robbie avait vécu, on ne pouvait pas savoir. Et on ne pouvait pas juger. »

Pendant les six années de disparition de Robbie, ses parents, Dinah et Whit vivent les choses différemment mais sont irrémédiablement liés par la mémoire de leur fils comme deux compagnons de douleur. Défigurée, handicapée, Dinah veut garder sa force et son espoir. Whit, plus pessimiste, éprouve à la fois répulsion et tendresse pour sa femme puisant sa force dans son travail, la drogue et les aventures extra-conjugales.
Cette complicité sera primordiale pour tenter de reconstruire la personnalité et l’équilibre de leur fils. Mais peut-on réellement aider un adolescent aussi meurtri? Le dénouement m’a laissée un affreux doute et une réelle perplexité.
Ce roman s’inscrit tout à fait dans l’univers de la prolifique Joyce Carol Oates. Avec une écriture fluide qui décrit à la fois les faits de manière assez clinique et les pensées des personnages, l’auteur nous plonge aisément dans l’atmosphère de son récit suscitant malaise, indignation et questionnement.

Je remercie Ingannmic qui m’a accompagnée pour cette lecture. Retrouvez son avis ici.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

20 juin 2017 à 9 h 36 min

Il y a longtemps que je n’ai pas lu Oates – j’en ai deux sur mes étagères qui attendent, mais des anciens déjà – et je le regrette, elle met souvent mal à l’aise avec les sujets choisis et sa façon de les aborder, j’aime beaucoup. Il va donc falloir que j’y retourne



20 juin 2017 à 14 h 04 min

J’ai beaucoup de mal avec Oates.





20 juin 2017 à 15 h 59 min

Ca a l’air assez glaçant, tout de même.



20 juin 2017 à 17 h 00 min

Un chef-d’oeuvre, surtout avec un sujet aussi casse-gueule. Bon, je suis fan de Oates, mais « fanitude » mise à part, j’ai trouvé qu’elle avait abordé ce sujet de la manipulation brillamment.



20 juin 2017 à 17 h 52 min

Je vois que nos ressentis sont quasiment similaires, je te rejoins tout à fait sur l’aspect à la fois clinique des descriptions, et le profond malaise que suscite néanmoins ce récit très glauque…
Merci pour cette LC et rendez-vous au 20/07 pour celle du Franzen !



25 juin 2017 à 10 h 59 min

J’ai des frissons à lire ton billet… mais tu m’as donné envie de lire ce livre… J’ai quelques autres titres de cet auteure dans ma PAL…



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