Titre : La condition pavillonnaire
Auteur : Sophie Divry
Éditeur : Éditions Noir sur Blanc
Nombre de pages : 272
Date de parution : 21 août 2014
Auteur :
Sophie Divry est née en 1979 à Montpellier. Elle vite actuellement à Lyon. Après La Cote 400, traduit en cinq langues, La condition pavillonnaire est son troisième roman.
Présentation de l’éditeur :
La condition pavillonnaire nous plonge dans la vie parfaite de M.-A., avec son mari et ses enfants, sa petite maison. Tout va bien et, cependant, il lui manque quelque chose. L’insatisfaction la ronge, la pousse à multiplier les exutoires : l’adultère, l’humanitaire, le yoga, ou quelques autres loisirs proposés par notre société, tous vite abandonnés. Le temps passe, rien ne change dans le ciel bleu du confort. L’héroïne est une velléitaire, une inassouvie, une Bovary… Mais pouvons-nous trouver jamais ce qui nous comble ? Un roman profond, moderne, sensible et ironique sur la condition féminine, la condition humaine.
Mon avis:
» La vie, ce n’est donc que cela, penses-tu en te réveillant, les déjeuners en famille sur la terrasse; ce jour où tu avais dévalé les montagnes russes au Luna Park; un bouquet de mariage; un bain de mer; mais déjà arrivaient en foule les visages de tes petits-enfants et cette profusion d’images noyait les souvenirs plus anciens dans une mer immense d’où n’affleurait plus rien de précis, sinon un effroyable sentiment de frustration. »
La lecture de romans est avant tout pour moi un moyen de m’évader, de découvrir d’autres lieux, d’autres vies, de succomber à l’imaginaire d’un auteur, de frissonner d’émotion ou d’angoisse. Comment intéresser un lecteur en lui racontant le quotidien, une vie qui ressemble parfois à la nôtre ou plutôt à celle de nos parents?
Je me souviens toujours de cette publicité angoissante ( pour une banque, me semble-t-il) qui déroulait une vie de la naissance à la mort en quelques minutes. Ce raccourci, ce côté éphémère et banal m’ont toujours agacée et angoissée.
Sophie Divry ramène toute la vie de M.A. a de grandes banalités où chacun retrouve inévitablement des points communs avec des existences proches. Ainsi, quelques phrases ,quelques expressions banalisent la jeunesse, l’adolescence. Et tout s’enchaîne avec la première rencontre, le mariage ( « être l’épouse de, être le second membre du foyer conjugal, être officiellement dans ce lien juridique et moral qui commence le soir du jour où finit la fête. »), l’achat d’une maison à crédit (c’est ce que vit le commun des mortels), la maternité, l’envie de retrouver un corps désirable en succombant à l’adultère ( « car ce n’est jamais seulement le désir qui pousse deux êtres l’un vers l’autre ni l’orgueil d’avoir plu à quelqu’un qu’on estime supérieur, mais une sorte d’attirance pour la nouveauté qui, dans le cas de M.A., était une véritable soif, reliquat individuel de l’ambition jadis collective de changer la vie. ») , le chômage, le vide et la déprime après l’envol des enfants, la joie d’avoir des petits-enfants, la mort des parents ( » tu prendras l’habitude d’aller fleurir la tombe de tes parents tous les dimanches. Ça te faisait une sortie. ») puis la vieillesse et la mort.
Parce que » M.A. n’avait pas compris que ce qui remplit la vie est un mode d’être, le présent de la phrase dans laquelle on respire, non un évènement placé dans le futur et qui, après consommation de lui-même, nous laissera déçus devant un frigidaire. »
Alors dans cette vie routinière où » la passion s’atténue« , » le désir perd de sa curiosité« , M.A. recherche les évènements, » même les choses désagréables sont bonnes à prendre pour éloigner le vide. »
L’auteur pousse même parfois la banalité jusqu’à donner une définition très schématique d’une automobile, à rythmer les pensées de M.A. avec le cycle d’une machine à laver, à trouver des détails dans tant de domaines qui ne peuvent que trouver une résonance chez le lecteur.
Le bovarysme revient en force cette année dans la littérature avec ces vies de femmes qui s’ennuient. Le pari de Sophie Divry est de raconter l’histoire de M.A. à la seconde personne du singulier, de forcer sur la banalité pour, peut-être interpeller davantage le lecteur par mimétisme. Il est d’ailleurs curieux de remarquer que l’auteur réduit ici son héroïne à deux initiales contrairement à un autre récit très romanesque de la rentrée littéraire qui installe la force de son personnage dans sa dénomination par le prénom suivi du nom.
Pouvoir du romanesque, angoisse du quotidien, l’un transporte, l’autre vous redescend sur terre. Mais ce ne sont que des vies de femmes insatisfaites de leur quotidien.
En tout cas, La condition pavillonnaire ( qui me fait penser à condition pénitentiaire, c’est sûrement intentionnel) m’a finalement un peu angoissée ( tout comme cette publicité). J’ai tout de même presque adopté un chat errant et j’ai changé ma table de jardin en plastique par une table en teck… C’est mauvais signe….
Je remercie et Les Éditions Noir sur Blanc pour l’attribution de ce livre lors du dernier Masse Critique.
Commentaires
Ce livre a l’air prenant 🙂 !
A la fois banal et surprenant.
Ce livre se semble plutôt déprimant. Je crois que je vais passer…
Forcément, on se dit » ce n’est que ça la vie ». Mais d’un autre côté, ça donne envie de se bouger pour ne pas tomber dans cette banalité du quotidien. Alors, que faire, savoir apprécier le moment présent et ce que l’on a près de soi, course au désir, prendre des risques, oser. Comment remplir sa vie?
J’adore la chute de ton article. oui, parfois, trop c’est trop. Et à mon avis, ta table en teck et ton chat errant sont les signes de ta bonne santé mentale et morale.
Oui mais ça m’a fait peur. La vieillesse approche…
Heureusement que la lecture me permet de garder l’esprit vif!
Alors moi, retrouver la vie ordinaire dans un roman j’adore. Je n’avais pas repéré ce roman grâce à toi c’est chose faite. J’ai déjà Côté 400 dans ma liste des souhaits.
J’avais lu de bonnes choses sur La cote 400.
Mauvais signe ? Non, c’est bien pour le chien.
C’est un chat. Et maintenant, il y en a même deux qui viennent. Ils ont repéré le bon restaurant.
Je ne suis pas trop tentée, je préfère partir un peu plus loin par la lecture…
Moi aussi mais heureusement, on peut lire dans les commentaires que chacun a ses préférences en la matière.
Je suis sortie triste de cette lecture car il y a toujours des moments mêmes fugaces , peu fréquents où nous avons pu approcher certaines des pensées de M-.A…..
C’est pour cela qu’il est angoissant, effectivement.
Je pense que chacun peut y trouver un point commun tant l’auteur cite de choses toutes simples de la vie ( ce que j’ai appelé banalités mais mon terme est un peu péjoratif et je le regrette)
c’est étonnant parce que l’intrigue en elle -même n’a rien de passionnant et pourtant le livre m’a plu.
Il y a plein de petites choses qui sont bien vues. J’en ai retrouvé sur l’adolescence avec mon expérience de mère, sur la vieillesse avec cette fois mon expérience de fille. Même si ce regard sur la vie est assez pessimiste, on s’y retrouve au moins sur un ou plusieurs points. C’est ce qui touche, je crois.
On toujours, quelque part, insatisfaite. Est-une raison pour se jeter partout, même dans des bras virils et nouveaux ?
Certaines le font c’est vrai. Je me souviens, j’étais alors jeune, je débutais ma vie professionnelle et je regardais avec un air ahuri mes collègues parler du nouveau canapé qu’elle n’avais pas manqué d’acheter, parce que tu sais, je voulais en avoir un plus beau que Nicole. Ne croyez surtout pas que ce n’est qu’un épisode féminin. Les mecs ne valaient pas mieux.
C’est donc un mal très ancien et j’ai certainement dû y participer un peu.
C’est ce qui est affolant, on se retrouve tous un peu dans ce roman.
J’avais beaucoup aimé La cote 400 mais ce titre ne me dit rien pour le moment, peut-être plus tard qui sait ?
Il avait eu bonne presse ce précédent roman.
Je l’ai abandonné ce roman. Je m’y ennuyais et il ne se passait rien, et puis j’avais envie de secouer cette femme. Alors je l’ai laissé de coté. Je le reprendrai peut-être plus tard, ou pas.
Je l’ai lu il y a quelques jours et vraiment, j’ai passé un très bon moment de lecture! En même temps, j’adore les romans assez lents, où il ne se passe pas énormément de choses et où tout passe dans les pensées des gens (comme le roman de Rachel Cusk « Arlington Park »). Je connaissais Sophie Divry grâce à son roman La cote 400, sur le monde des bibliothécaires. Je trouve qu’elle a du talent et je suis bien décidée à suivre ses futures sorties!
Je n’avais pas lu La cote 400 mais je le ferais. Enfin, si j’en trouve le temps.
Oui, angoissant, cela va sans dire… C’est un roman vraiment très efficace qui nous renvoie toutes -et tous?- à nos névroses personnelles…! Dommage que l’auteur ait ce regard surplombant… M-A méritait-elle un jugement aussi cynique? J’aurais aimé plus de tendresse à son égard…
Merci en tout cas pour ton article, toujours aussi bien écrit… et moi aussi, j’ai beaucoup apprécié la chute!
Bien à toi.
Mon ressenti vient sûrement de ce regard de l’auteur sur son personnage, effectivement.
Merci pour ton commentaire
Je viens tout juste de le dévorer et de finir en larmes. Non pas que je m’y reconnaise, pas vraiment en fait, mais j’y ai vu la vie de ma grand-mère, celle de ma mère (une vie finie trop tôt) et ce « gâchis » m’a rendu très triste. En tout cas, une belle écriture.
C’est vrai qu’il y a un petit côté « années 60 » dans cette histoire. Son nouveau roman semble avoir bonne presse. A suivre