Titre : Envoyée spéciale
Auteur : Jean Echenoz
Éditeur : Les Éditions de Minuit
Nombre de pages : 320
Date de parution : janvier 2016

Cette chronique va être très difficile à faire parce que l’on ne peut que se délecter d’un tel style au service d’une brillante parodie d’espionnage mais finalement je n’ai que peu adhéré à l’intrigue.
Et personnellement, surtout dans ce style burlesque, j’ai besoin d’une vraie histoire et si possible d’un brin de tendresse au moins chez un personnage. Ici, ils sont surtout déjantés et burlesques.
Constance est une jeune oisive, épouse de Lou Tausk, homme riche depuis son seul succès musical planétaire ( genre Born to be alive de Patrick Hernandez).
 » vie matérielle facile, vie maritale pas. »
Elle se fait kidnapper par Victor et ses deux acolytes ( face de lamantin et d’autruche un peu empotés mais sympathiques). L’histoire n’est finalement pas très importante. Demande de rançon auprès de Lou Tausk, qui, conseillé par son avocat et cousin Hubert, ne réagit pas. Et finira même par se consoler avec la secrétaire de l’avocat pendant que Constance apprécie sa captivité améliorée par ses deux geôliers amoureux.
Puis changement de décor. On passe de la campagne française à la Corée du Nord avec ses carences alimentaires, ses restrictions, ses mises en scènes, ces chemins balisés interdisant certaines villes de Province.
Constance doit séduire le premier conseiller de Kim Jong-un, Ce qui sera relativement facile pour cette belle femme (  » coupe à la Louise Brooks et courbes à la Michèle Mercier-ce qui n’a pas l’air d’aller très bien ensemble mais si, ça colle tout à fait. »)
Cette partie me rappelle le film The interview de Seth Roger et Evan Goldberg ( au moins sur le fond, mais sans comparaison sur la forme). Les occidentaux ne sont pas dupes des mises en scène, et l’auteur utilise aussi l’ironie comme dénonciation.
Jean Echenoz ne se limite toutefois pas à cette intrigue puisque l’on suit aussi bon nombre de personnages, tous aussi bizarres. Lorsqu’on force des êtres peu scrupuleux à devenir espion, il faut s’attendre à tout et à n’importe quoi. Plusieurs points de vue dont celui de l’auteur qui guide et motive son lecteur.

Mais la performance de ce roman est essentiellement dans le ton et le style. L’auteur s’amuse avec ses personnages, dérive sur une image pour notre plus grand plaisir ( truculent parallèle entre les papillons et les phéromones d’éléphante, décrit à merveille rues, paysages et frontière entre Corée du Nord et Corée du Sud.
 » Dans de telles conditions, l’entretien des forêts sur cette terre étant bien sûr hors de question, celles-ci font preuve d’une densité exceptionnelle et, dans leur opulence, se développe une flore rare et disparue du reste de la péninsule. Il en va de même pour la faune: débarrassée de toute présence humaine, la DMZ est devenue en soixante ans un parc naturel involontaire-destin semblable à celui, entre autres et pour d’autres raisons, du site de Tchernobyl ou de l’archipel Montebello. Soit un sanctuaire où se reproduisent en paix des espèces quasi introuvables ailleurs telles que l’ours noir, le cerf tacheté, la chèvre sauvage angora, la panthère de Chine ou le léopard de l’Amour. »
On en prend plein les yeux avec humour et élégance.
 » On oublie trop souvent que les jambes des femmes leur sont également utiles pour avancer : on les tient tellement pour des objets d’art qu’on tend à négliger cet usage fonctionnel. »
Même si je préfère largement les biographies romancées de l’auteur telles Courir, Des éclairs, je ne peux que conseiller Envoyée spéciale pour son style et son ton.
Je remercie Babelio et Les Éditions de Minuit pour l’attribution de ce livre dans le cadre de la dernière opération Masse Critique.
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Auteur

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Commentaires

17 février 2016 à 12 h 53 min

Voilà un auteur que je n’ai pas encore lu car à chaque fois quelque chose dans le billet me retient… Malgré ton conseil je ne suis pas convaincue ou alors je ne commencerais pas par celui-ci ! 😉





17 février 2016 à 13 h 07 min

J’ai absolument adoré malgré la fin qui se solde un peu vite 🙂



17 février 2016 à 13 h 42 min

Echenoz me tente depuis longtemps ! Et celui-ci particulièrement.



17 février 2016 à 13 h 57 min

Je note les personnages déjantés et burlesques…. je crains que cela ne soit pas pour moi. De Echenoz, j’avais apprécié 14…y a t-il un autre titre qui pourrait me plaire?



17 février 2016 à 15 h 28 min

J’ai été surprise par le côté déjanté et burlesque de ce livre qui ne m’a pas déplu mais que je ne qualifierai pas de grand roman. Je n’avais encore rien lu de cet auteur et aurai peut-être du commencer par un autre livre…



17 février 2016 à 16 h 44 min

Tu connais mon avis sur ce livre , j’aime le décalé et le loufoque.



17 février 2016 à 22 h 01 min

Oulalalah, ça a l’air d’être un drôle de roman ^^



18 février 2016 à 10 h 42 min

Je ne suis pas le meilleur public pour le côté burlesque… Je passe mon tour..



19 février 2016 à 16 h 27 min

on m’en a dit le plus grand bien, je ne sais pas si je suis le public idéal… j’aimerais essayer!



19 février 2016 à 20 h 21 min

Le burlesque, ça passe ou ça casse. Mais si c’est bien gait, alors là, je suis fan. Si l’occasion se présente, je tente ! Merci pour la chronique !



20 février 2016 à 21 h 05 min

J’hésitais à le lire, mais finalement je le note.



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