Titre : Qui a tué mon père
Auteur : Édouard Louis
Éditeur : Seuil
Nombre de pages : 90
Date de parution : 3 mai 2018

 

Non, Édouard Louis n’en a pas fini avec son passé. Après son premier roman, En finir avec Eddy Bellegueule, qui engendra une polémique opposant l’auteur à sa famille puis Histoire de la violence, le jeune romancier voudrait-il « se faire pardonner » en  lançant un cri d’amour à son père.

«  Je n’ai pas peur de me répéter parce que ce que j’écris, ce que je dis ne répond pas aux exigences de la littérature, mais à celles de la nécessité et de l’urgence, à celle du feu. »

Il y a effectivement beaucoup de sentiments dans l’écriture, notamment de la rage mais aussi un amour latent qui n’a jamais pu vraiment s’exprimer entre le père et le fils. Et c’est ce qui rend ce court récit si poignant.
A cinquante ans, le père fortement diminué par la maladie veut enfin renouer avec son fils, un fils qui n’attendait que cette main tendue. Alors, Édouard évoque les souvenirs trouvant de la tendresse à ce père qu’il préférait éviter dans sa jeunesse.
Son texte devient ensuite un réquisitoire, dénonçant les coupables, ceux qui ont cassé le corps de ce travailleur modeste. Édouard Louis s’en prend aux politiques de tout bord, et il les nomme,  » parce qu’il y a des meurtriers qui ne sont jamais nommés pour les meurtres qu’ils ont commis. » Les propos sont assez violents, stigmatisants et sûrement contestables. Mais c’est le cri aveugle des oubliés de la politique, de ceux qui la subissent et se noient au quotidien dans la misère.

«  Pour les dominants, le plus souvent, la politique est une question esthétique : une manière de se penser, une manière de voir le monde, de construire sa personne. Pour nous, c’est vivre ou mourir. »

Seulement, il m’est difficile d’oublier les propos racistes, homophobes de ce père que la masculinité a condamné à la pauvreté, répète Édouard Louis. J’ai encore à l’esprit la volonté d’étudier du fils pour sortir de son milieu, prouvant ainsi que la misère n’est pas toujours une fatalité.

Cette lecture me laisse très perplexe. Ce texte est sans aucun doute une prouesse littéraire mais la forme du réquisitoire restrictive me laisse une sensation d’aveuglement, sans aucun doute lié à la colère et à cette volonté de retrouver l’amour d’un père.
« Pour que tu m’aimes encore« , je pardonne et j’accuse. C’est beau, c’est fort mais peut-être discutable.

Auteur

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Commentaires

14 mai 2018 à 10 h 18 min

Le premier m’avait beaucoup énervée . Ton article me conforte dans l’intention de ne pas lire celui-ci



    14 mai 2018 à 13 h 02 min

    J’aime son écriture, l’écriture d’un homme écorché, en quête d’identité. Là aussi il y a cette rage mais il m’a fallu du temps pour lui trouver son fondement. A froid, je doutais de la sincérité



14 mai 2018 à 12 h 37 min

J’ai abandonné le premier, je ne lirai sûrement pas celui-ci. D’ailleurs ton avis me conforte dans ma non intention.



14 mai 2018 à 15 h 10 min

Depuis le début j’éprouve une grosse réticence à lire ce garçon., même s’il a des choses à dire..Ton avis ne m’incite pas vraiment à dépasser mon blocage.. Et puis, heureusement qu’on ne lit pas toutes et tous les même livres.



    14 mai 2018 à 19 h 21 min

    Curieusement, ce garçon, comme tu dis passe bien au niveau des médias et moins au niveau des lecteurs, me semble-t-il. Il a des qualités littéraires sans aucun doute mais sûrement une façon assez frontale de s’exposer.



14 mai 2018 à 18 h 20 min

Eddy Bellegueule avait été un tel coup de coeur qu’étrangement, je n’avais pas osé lire son second dont j’avais entendu pas mal d’avis très mitigés. Celui-ci me tente énormément, et ce que tu en dis m’intrigue. J’avais vu passer cet extrait sur la politique notamment… A voir, peut-être à sa sortie poche je me laisserai tenter.



14 mai 2018 à 18 h 38 min

J’ai peiné à lire son second livre car je n’aimais le style ampoulé, la colère me semblait quelque peu trop mise en scène. Je ne pense pas que je lirai celui-ci



    14 mai 2018 à 19 h 28 min

    Justement, si je ne l’avais pas senti sur les précédents récits, j’ai senti ici quelque chose d’artificiel. J’ai ensuite analysé ce décalage par l’intelligence d’un pardon mutuel mais je reste sceptique



18 mai 2018 à 13 h 24 min

J’en ai un ressenti différent. Si « En finir avec(…) » était un cri de rage, celui-ci me semble plus apaisé. Il y a une continuité dans ce que fait Edouard Louis que je trouve vraiment intéressante à suivre – même si Qui a tué mon père a un goût d’inachevé – la façon dont il lie son histoire avec la sociologie, même s’il manque encore d’un certain recul.



    18 mai 2018 à 16 h 11 min

    Apaisé, peut-être dans la relation avec son père. Comme je le dis en fin de chronique, je pense que le fils attendait ce regard du père. Et ainsi, il répond à cette main tendue. Mais, la rage se tourne vers les politiques. Et là, il me semble que le discours est un peu brut, sans concession.



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