Titre : Over the rainbow
Auteur : Constance Joly
Éditeur : Flammarion
Nombre de pages : 192
Date de parution : 6 janvier 2021
Il faut du temps pour être soi
Constance Joly a pris le temps pour faire revivre la mémoire de son père. A la naissance de sa fille, une de ses meilleures amies lui demande ironiquement des nouvelles de » ce vieil homo« . Elle avait oublié qu’il était mort depuis cinq ans. Comment oublier et insulter cet homme qui a osé affronter l’opinion publique pour être lui, qui a lutté dans le silence et la dignité contre cette maladie dont personne ne voulait dire le nom.
Le carton des souvenirs
Un film en super-huit, des albums de photos, des tableaux ( Le damné aux enfers ou Le baptême de Clorinde) qui hantaient son enfance témoignent en quelques images du parcours de cet homme né à Nice. Très tôt, Jacques ressent son homosexualité mais il ne peut l’avouer suite au bannissement de son frère surpris par ses parents au lit avec un homme. Alors, il se tait, se marie avec Lucie. Le couple part à Paris en 1968. Tous deux enseignants, ils mènent la vie de bohème de l’intelligentsia de gauche.
Le déclic
Lors d’un cours hebdomadaire à Clermont-Ferrand, il rencontre Denis. Dès lors, Jacques commence à traîner la nuit au jardin des Tuileries. Constance a sept ans, elle ne voit plus beaucoup son père. A trente-sept ans, le père de Constance accepte enfin son homosexualité et quitte le foyer. De taciturne, parfois rageur, il peut enfin rayonner. Alors que l’auteur passe rapidement sur l’effondrement de sa mère, elle donne des couleurs à la métamorphose de Jacques.
L’ombre du sida
Quand et avec qui a-t-il contracté ce virus? Lors de son voyage à San Francisco avec son copain Ivan en 1979? Les premiers cas furent recensés entre octobre 80 et mai 81 à Los Angeles. Mais il faudra attendre 1996 pour espérer freiner les ravages du virus avec la trithérapie. Jacques apprend sa séropositivité en 1988. Après douze ans de vie commune, Ivan l’a quitté et il s’apprête à vivre avec Sören. seuls son amant et sa mère seront dans la confidence. Aux autres, il ne dira rien avant de s’effondrer.
L’hommage au père
Constance a vécu de merveilleux moments avec ses parents jusqu’au divorce.
Tu as été un père discret, emprunté, timide et merveilleux.
Elle fut ensuite une des premières enfants à vivre au sein d’un couple d’homosexuels. Au cœur de cette histoire, l’adolescente grandit, s’ouvre à sa féminité.
Le texte est écrit avec le cœur. A chaque ligne, on sent l’admiration pour son père. Au-delà de l’évocation d’un sujet de moins en moins tabou mais toujours difficile, Constance Joly écrit pour faire vivre son père.
J’écris pour ne pas tourner la page. J’écris pour inverser le cours du temps. J’écris pour ne pas te perdre pour toujours. J’écris pour rester ton enfant.
Difficile de passer derrière le remarquable Fairyland d’Alysia Abbott. On y retrouve d’ailleurs quelques similitudes, beaucoup moins marquées (Harvey Milk, période adolescente…). Je découvre ici une version plus courte, plus centrée sur les sentiments mais le témoignage dégage la même admiration pour un père qui a eu le courage de vivre sa différence. Si le récit est moins fouillé, moins ancré dans une culture, une époque (tout le monde ne peut pas vivre à San Francisco), j’ai aimé les intermèdes poétiques et les références qui se glissent de ci-de-là, notamment autour de ce titre évocateur, Over the rainbow.
Constance Joly a reçu le Prix orange du Livre 2021 pour ce roman.
Commentaires
il est dans ma PAL j’espère pouvoir e trouver à la BM 🙂
j’aime cette période les années sida 🙂
Un livre primé, il devrait être en bibliothèque.
J’avais été très marquée par le film Les nuits fauves. Livres et films sur ce sujet sont toujours très forts.
Malgré tout le bien que tu en dis, cette lecture ne me tente pas.
J’ai tout de même préféré Fairyland
J’ai beaucoup apprécié la lecture de ce livre très sensible
Un bel hommage et toujours un témoignage nécessaire