Titre : Les corps hostiles
Auteur : Stéphanie Polack
Editeur : Grasset
Nombre de pages : 288
Date de parution : 3 janvier 2024

 

 Une attirance inattendue

Maude, issue d’un quartier bourgeois de la banlieue parisienne, mène une vie épanouie auprès de Franck, un réalisateur de documentaires engagé dans l’écologie. A l’aube de la quarantaine, suite à une fausse couche, elle se pose beaucoup de questions. C’est une intellectuelle au corps musclé, pas vraiment belle, dit-elle.
Elle est reconnue dans le monde de la musique pour l’écriture de textes au style jugé brutal. C’est justement pour cela qu’une maison de disque lui demande d’écrire un album pour Loïc Quéméner, un chanteur en perte de vitesse. Cet homme au corps musclé et tatoué, un peu vulgaire, avait été inculpé pour association de malfaiteurs dans l’arnaque à la taxe carbone.

Pourquoi ai-je rencontré quelqu’un qui ne pourrait me renvoyer qu’à mes propres impasses, mes propres turpitudes ?

Leurs milieux, leurs modes de fonctionnement sont très différents. Et pourtant, Maude éprouve un désir fou pour cet homme qui se perd dans l’alcool, la drogue et les aventures féminines.
De son côté, Loïc, touché par le dévouement et le travail acharné de Maude, cherche sa compagnie. Elle est tellement différente des femmes légères qu’il fréquente. Mais, elle lui fait peur. Il ne mérite pas une telle femme. Et surtout, il ne pourra jamais affirmer son ascendant sur elle.

L’apparence et le profond

Dès le départ, l’auteur utilise la première et la troisième personne pour donner la parole à Maude. Elle décide ainsi si elle en parle de l’intérieur ou si elle l’éclaire d’un point de vue extérieur. Car ce récit joue entre ce que nous sommes et l’apparence que nous laissons voir aux autres.
Sous ses comportements d’homme puissant, Loïc a ses fêlures, ses peurs.

On a beau s’éloigner de certains quartiers comme de nos pères, il est des provinces intérieures dont on ne sort pas.

Maude est une femme moderne qui n’entend pas se plier aux conventions de la société. Son rapport à la maternité, à la féminité se veut décomplexé. Elle n’hésite pas non plus à assumer son désir pour un homme instable. Parce que son sourire la désarme, parce qu’il la renvoie à ses propres déchirements.

Un amour salvateur

Maude s’enlise dans cette relation basée sur le désir pour un homme destructeur. Au trois quart du récit, j’ai ressenti quelques longueurs. Mais on ne s’extirpe pas facilement d’une telle attirance. Il faut vivre cet amour déraisonnable jusqu’au bout, le détruire pour lui donner sa grandeur. Et surtout pour en sortir libéré des ses blessures.
Stéphanie Polack livre une belle histoire d’amour. Différente, personnelle parce qu’elle concerne deux êtres opposés mais attirés par ce qu’ils rejettent habituellement. Cette histoire s’inscrit dans une société où la masculinité et la féminité évoluent.

Ce que vous construisez pendant des mois peut être détruit en une nuit, construisez-le quand même, vos amours sont déraisonnables, illogiques et égocentriques, vivez-les quand même.
Hedy Lamarr

C’était ma première lecture de Stéphanie Polack. J’ai aimé son style, la richesse de ses idées et de son vocabulaire, sa capacité à mettre en scène des personnages complexes et d’analyser dans notre société décomplexée, une façon différente de vivre son désir.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *