Titre : Dans le ventre de Klara
Auteur : Régis Jauffret
Editeur : Récamier
Nombre de pages : 256
Date de parution : 4 janvier 2024

 

La source du mal

L’Histoire ne la connaît pas. Klara est pourtant celle qui porte une bombe dans ses entrailles,
« la rampe de lancement du massacre »,.
Née à Spital ( hameau de la Basse-Autriche) d’un père paysan, Klara est envoyée chez son oncle Aloïs, afin de s’occuper de sa femme malade et de ses enfants. Elle n’a que quinze ans quand l’Oncle la met dans son lit, une semaine après la mort de sa femme.
Aloïs, né en 1837 en Basse-Autriche, est officier des douanes. D’origine incertaine, peut-être le fils de Georg ( Hiedler), il change de nom puis se marie avec Anna, une femme plus âgée que lui. Après son divorce, il épouse sa jeune maîtresse Franziska dont il aura deux enfants, Aloïs et Angela.
Après avoir perdu deux enfants en bas âge, Klara est à nouveau enceinte. C’est un bébé façonné par Dieu qu’elle souhaite plus robuste. Sa soeur bossue, Johanna, l’aide au quotidien dans cette vie difficile.

L’existence est faite d’épreuves qu’il fallait avoir le courage de surmonter pour gagner droit à la vie.

Une époque gangrénée

Fin du XIXe siècle, la mortalité infantile est élevée avec les épidémies. Au loin grondent déjà les prémisses de la première guerre mondiale avec la montée de l’antisémitisme, l’assassinat de l’archiduc Rodolphe ( 1889).
La religion a une grande influence sur le peuple, surtout sur les femmes. Klara vit en permanence avec la conscience du péché. Chaque jour, elle se confesse auprès de l’abbé Probst qui l’assomme de pénitences.

Il n’est pas bon pour la femme d’imaginer. L’homme le peut à bon droit car lui revient la charge d’inventer. Sans les savants, nous serions vêtus de peau de bête. Grâce à leur génie, nous bénéficions du feu, du travail des tisserands et des charpentiers. Mais dans le cerveau de la femme, l’imagination se mue en fantaisies où le Malin prospère.

Écrire, penser sont aux yeux de la jeune femme des péchés. Pourtant, Aloïs, homme incestueux qui la viole chaque jour, a la conscience tranquille.

Un pari littéraire

Régis Jauffret met toute la lumière sur une mère heureuse d’avoir prochainement son propre enfant. Après avoir perdu Gustav et Ida, ses deux premiers nés, elle s’occupe des enfants de son mari. En toile de fond, l’auteur évoque parfaitement les conditions de vie de cette femme soumise à l’approbation de Dieu et de son mari.
Par contre, il n’écrit  pas le vrai nom de cet enfant à naître. Si Aloïs a changé quelques lettres à son nom d’origine, l’auteur ne le cite pas. Ce n’est qu’en lisant la quatrième de couverture ( ou en connaissant parfaitement ses origines) que le lecteur fait le lien avec Klara Hitler.
Ce qui laisse un grand flou sur cette histoire. D’autant plus que le style, initialement rythmé de phrases courtes, prend parfois des élans vers une logorrhée visionnaire et énigmatique. Comme si le foetus vomissait par le biais de sa mère les visions cauchemardesques du prochain holocauste.
Il me semble même que le récit se perd parfois entre les prénoms des enfants. Ce qui laisse un goût d’imperfection.
J’ai choisi de lire ce roman pour son sujet. Et il n’est certes pas facile de mêler un futur inconnu de la narratrice à ses émotions de l’instant. Mais à part la consanguinité, les origines incertaines du père, l’éducation qu’on peut ensuite imaginer, rien ne peut laisser présager que nous assistons à la genèse d’un futur monstre.
J’aime beaucoup le style narratif, l’univers souvent provocant de  Régis Jauffret ( Claustria ou Cannibales) mais ici, il ne m’a pas suffisamment déstabilisée.

Lisez un avis beaucoup plus enthousiaste chez Vagabondage autour de soi

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

20 janvier 2024 à 8 h 38 min

Ah, dommage !
Moi, je me suis tellement identifiée à cette femme que ce roman fut lourd à découvrir. Les violences qu’elle subit de la part de cet Oncle, de son confesseur m’ont parue terribles. Et cette époque décrite qui attend qu’un  » maitre » redonne fierté à cette population qui attend de relever la tête…
Bref, j’ai bcp aimé !



    20 janvier 2024 à 12 h 27 min

    C’est surtout la banalisation du mal qui m’a semblé terrible. Tous acceptent ( même la Pape) cette « violence » subie par Klara. Cela ne semble même une « violence » dans le récit. Je pense que c’est ce qui m’a gênée



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