Titre : Un bref instant de splendeur
Auteur : Ocean Vuong
Littérature vietnamienne
Titre original : On earth we’re briefly gorgeus
Traducteur : Marguerite Capelle
Editeur : Gallimard
Nombre de pages : 304
Date de parution : 7 janvier 2021
Lettre à la mère
Soumis à une avalanche de souvenirs de sa relation avec sa mère, Ocean Vuong s’adresse à elle par le biais d’un roman. Né à Saïgon, il a quitté le Vietnam à deux ans avec sa mère, sa tante et sa grand-mère pour s’installer à Hartford. Tels les monarques, ces papillons migrateurs, elles ont fui le froid de la guerre transmettant en chemin leurs traumatismes à leur progéniture.
Dans ce récit livré au travers d’une âme blessée en quête d’identité, le narrateur, Little dog, évoque le passé vietnamien de Lan, la grand-mère et de Rose, la mère. Mariage arrangé, violence masculine, prostitution auprès des soldats américains, horreurs perpétrés par les militaires, bombardements.
Maman. Tu m’as dit un jour que la mémoire est un choix. Mais si tu étais Dieu, tu saurais que c’est un déluge.
Lan et Rose, oublieuse et analphabète, ne livrent leur histoire que par bribes. Des moments de névrose ou de violence. Il ne reste que les gestes.
La manière la plus claire de déclarer son attachement et son amour, pour nous, c’est de rendre service : moi qui arrache les cheveux blancs, toi qui te colles contre ton fils pour absorber les turbulences d’un avion, et donc sa peur.
Une Amérique violente
Arrivés en 1990 aux Etats-Unis, la famille affronte une autre forme de violence. Hartford appartient à cette Amérique délaissée, victime de la crise économique. Un territoire dévasté par la drogue, l’oxycontin vendu à outrance par le laboratoire Purdue. Parmi les sept amis de Little dog, cinq sont morts d’overdose ou d’accident lié aux stupéfiants.
Violence familiale, exploitation, racisme et alcoolisme. Rose vit avec un mari violent et se fait exploiter dans un salon de manucure.
Puis, à quatorze ans, Little dog, travaille dans une plantation de tabac. Il y rencontre Trevor, le fils d’un homme alcoolique et violent. Trevor est le symbole de ces jeunes américains élevés dans la masculinité. Pourtant, l’un auprès de l’autre, ils pansent leurs blessures en violentant leurs corps.
Un roman de poète
Pour partager une telle histoire, il fallait une écriture poétique, parfois sibylline. Au milieu de toute cette violence, il y a des éclats de beau. Comme les prénoms de fleur des femmes, la force tranquille de la grand-mère, la gentillesse de Paul, le faux grand-père, l’amour entre Trevor et Little dog, le vol des monarques.
« Quoi de beau ? » Cette phrase utilisée à Hartford pour dire bonjour, montre comment ces perdants de l’économie se contente du beau et d’une liberté limitée.
Si la vie d’un individu, comparée à l’histoire de notre planète, est infiniment courte, un battement de cils, comme on dit, alors être magnifique, même du jour de votre naissance au jour de votre mort, c’est ne connaître qu’un bref instant de splendeur.
Commentaires
Merci de me rappeler que ce livre, perçu par moi comme une urgence depuis sa sortie est toujours dans ma pal! Je range la majorité de mes livres par ordre alphabétique de noms des auteurs et celui-là, je l’avais oublié sans avoir le courage de rechercher par sites.
C’était un peu la même chose pour moi. C’est pour cela que j’ai mis ce livre dans ma liste pour mon challenge En sortir 24 en 2024. Contente de l’avoir enfin lu
J’avais adoré le mystère de la plume et la poésie infinie qui éclaire et atténue la violence, comme tu le dis si bien.
As-tu lu le suivant, Le temps est une mère ? On en a moins parlé.
Un titre qui m’attirait mais que j’hésitais à lire. Tu me donnes en vie de le découvrir.
Contente de t’avoir convaincue.