Titre : Charrue tordue
Auteur : Itamar Vieira Junior
Littérature brésilienne
Titre original : Torto arado
Traducteur : Jean-Marie Blas de Roblès
Editeur : Zulma
Nombre de pages : 352
Date de parution : 7 septembre 2023

 

Deux sœurs

Bibinia et Belonisia ont respectivement sept et six ans lorsqu’un drame marque la fin de l’innocence. Il scelle ainsi leur destin. Elles étaient curieuses de savoir ce que contenait la valise de leur grand-mère . Pourquoi la cachait-elle sous le lit à chaque fois qu’elle vérifiait son contenu? Elles y découvrent un couteau au manche d’ivoire et à la lame étincelante. Une lame si brillante que Bibinia la met dans sa bouche. Et Belonisia, jalouse lui arrache des mains pour en faire autant. Malheureusement le sang coule. Belonisia se tranche la langue et restera muette.

Celle qui prêterait sa voix aurait à interpréter les signes corporels de la soeur devenue muette, et il incomberait à celle qui s’était tué d’apprendre à transmettre par amples mouvements et vibrations minimales les messages à communiquer.

Bibinia est la narratrice de la première partie. Puis ce sera au tour de Belonisia. Avec chacune d’elle, nous découvrons leur drame puis leur vie de jeune femme. Mais c’est aussi le récit des conditions de vie de leur famille et de toute la communauté des résidents de la fazenda d’Agua Negra.

Une communauté

Bibinia et Belonisia font partie des quatre enfants vivants de Zeca Chapeu Grande et de Salustina Nicolau. Zeca est un guérisseur de Jarê. Pour cela, il est respecté dans la communauté. Homme courageux et modéré, il parvient même à négocier la construction d’une école avec le maire dont il a soigné le fils.
Dans le nord-est brésilien, les exploitants ont fait venir de nombreux esclaves africains pour travailler dans les mines de diamant. Après l’abolition de l’esclavage, les puissants ont continué à exploiter cette population. Soit-disant libres, les résidents devaient travailler sans relâche et sans salaire pour le maître. Ils pouvaient construire une maison d’argile sur un lopin de terre. Là, les femmes y cultivaient quelques légumes pour survivre. Mais, sécheresse, inondations et réquisition de leurs cultures les laissent souvent affamés.
Les résidents n’ont pour réconfort que leur solidarité et les fêtes du Jarê pendant lesquelles les enchantées leur redonne espoir en cette terre si chère à leur cœur.
Mais cela ne suffira plus à la nouvelle génération. Et Severo, le cousin et mari de Bibinia, revient à Agua Negra, avec des discours politiques contre les anciens et nouveaux propriétaires de la fazenda.

Un premier roman réussi

Itamar Vieira Junior offre un roman complet et passionnant. Guidé par l’histoire dramatique d’une famille, le récit évoque le destin d’une communauté de descendants d’esclaves. En effet, les quilombolas ont fait cette terre à la sueur de leur front.
L’auteur évoque aussi la condition des femmes. Elles subissent souvent leur sort face à des maris violents. Mais elles sont aussi celles qui donnent la vie, nourrissent et assument la vengeance.
De plus, les rites du Jarê donnent une dimension ancestrale et mystérieuse au récit. Ainsi, la dernière partie racontée par Sainte Rita Peiscadeira, apporte un dénouement poétique et équivoque particulièrement bien vu dans la relation fusionnelle entre les deux sœurs.
Un très bon premier roman et un auteur à suivre.

Lu dans le cadre du Bookclub Etonnants Voyageurs.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

12 juin 2025 à 14 h 27 min

Oui. Un roman très réussi. J’ai également beaucoup aimé.



14 juin 2025 à 12 h 55 min

Je n’ai pour ainsi dire pas lu de romans brésiliens en entier jusqu’à présent. Le côté trop foisonnant qu’on trouve souvent est généralement trop pour moi. Ici, ça pourrait passer, j’ai l’impression.



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