Titre : A la santé du feu
Auteur : Dorothée Werner
Éditeur : JC Lattès
Nombre de pages : 315
Date de parution : janvier 2013
Auteur :
Née en 1969, Dorothée Werner vit à Paris. Elle est grand reporter au magazine Elle.
Présentation de l’éditeur :
Comment vivre avec une bombe à retardement sous la peau ?
« Laissez-vous faire deux secondes, fermez les yeux, imaginez qu’un jour on vous apprend une catastrophe. Pensez à une scène précise, une heure de la journée, une lumière, une ambiance. Quelle est la différence entre la minute juste avant et celle juste après ? Vous êtes assis dans le même fauteuil, buvant le même thé dans la même maison, vous vous mouvez dans le même corps, vous n en souffrez pas plus que ce matin, pas moins non plus, tout est profondément familier, le soleil finit par décliner comme chaque jour, rien n a donc changé. Et pourtant si.»
Une fille passe un examen médical et paf, suspicion. Mais pas sûr. Elle a déjà connu d autres tempêtes sous la peau, mais ce jour-là fini de rire. Pour savoir ce que lui réserve son destin, il va falloir attendre. Attendre, la vache. Attendre un nouvel examen qui confirmera la catastrophe, ou bien qui l annulera. Dans quarante jours, la biologie tranchera.
Ce livre est le journal, écrit à la première personne, de ce suspens existentiel, de ces quarante jours âpres et rugueux. La chronique d un espoir fou, la rage et l amour mêlés. Une enquête aussi, un pistolet sur la tempe, sur le pourquoi du comment, parce qu il s’agit de trouver une issue, et fissa.
Un récit aussi poignant qu’urgent sur l attente et la solitude existentielle.
Mon avis :
Difficile de parler de ce livre. Parce que l’on touche un sujet difficile, un peu tabou, un sujet qui embarrasse ceux d’en face, ceux qui sont en bonne santé et se plaignent des petits tracas de la vie. Que peut-il se passer dans la tête lorsqu’on se retrouve confrontée à une énième récidive de cancer ? Le mot n’est jamais prononcé. L’auteur écrit dans son journal l’attente de ses quarante jours qui la séparent du verdict fatal. Une chance sur deux, côté face c’est bénin, côté pile la tâche n’a pas disparu et c’est la lutte de nouveau.
Pendant quarante jours, elle nous entraîne dans la quête d’elle même.
» Sans doute peut-on faire tout dire au passé! Je le questionne comme je questionne tout, parce que chaque être
humain est à la recherche d’une liturgie qui le délivre. »
Elle dissèque son enfance à la recherche d’une culpabilité. Refus d’un corps , refus de s’intéresser à elle ce qui explique son métier d’aller s’intéresser à la souffrance des pays en guerre.
Elle tente aussi de trouver un équilibre, une force auprès de toutes les » médecins foufous » comme elle appelle les médecins taoïstes, magnétiseurs, adeptes de thérapies énergétiques et autres. Parce que les amis sont soit trop curieux, soit indifférents, soit mal à l’aise. La famille, on en parle mais elle reste floue comme pour la protéger d’une nouvelle guerre contre la maladie.
Si je comprends le fond du récit, la démarche de l’auteur, je ne suis pas sensible à la forme. En lisant les premières pages, il me semble que le style trop lyrique ne convient pas au sujet. Cette façon de sublimer, d’en faire un peu trop est peut-être un masque pour cacher le tragique de la situation. Ensuite, je me suis souvent perdue dans les méandres de ce passé qu’elle tente d’analyser. Là aussi, les pensées s’envolent parfois un peu trop loin en laissant s’émousser mon intérêt de lecteur.
Je regrette d’autant plus ce manque temporaire de maîtrise et ce sentiment de flou que certains passages sont effectivement percutants et poignants.
« Comparé à la hantise de faire souffrir alentour, mourir n’est pas grand chose. »
» Auprès de tes camarades de hasard, tu seras dans tes bras impuissants le même désespoir. Tu observas, au cœur
même du gâchis, refleurir l’envie de vivre, l’envie malgré tout, l’envie butée, débile, parfois salement bête et méchante, de voir l’été arriver et puis l’hiver d’après. L’amour qui s’entête jusqu’à l’absurde et les enfants qui continuent à naître, petits bras d’honneur jetés à la face du destin. »
« Alors la mort du chat, imaginez. Elle est totalement seule avec ce lourd chagrin idiot en travers de la poitrine. De loin il paraît débile, mais de loin tout paraît débile. En se donnant le mal de s’approcher un peu, même sans goût pour les animaux, on comprend que ce petit chat c’était sa vie, sa poésie, la part d’enfance qui lui restait. »
Son récit traduit parfaitement les phases de doute et d’espoir qu’une telle attente peut générer mais ne tombe jamais dans le mélodrame ou l’apitoiement.
Je remercie et les Éditions JC Lattès de m’avoir donné l’occasion de lire ce premier récit de Dorothée Werner.