Titre : Le voyage d’Octavio
Auteur : Miguel Bonnefoy
Éditeur : Payot&Rivages
Nombre de pages : 128
Date de parution : janvier 2015
Auteur :
Lauréat du prix du jeune écrivain de langue française en 2013 pour sa nouvelle Icare, Miguel Bonnefoy est de nationalité vénézuélienne. Il vit actuellement à Paris. Le voyage d’Octavio est son premier roman.
Quatrième de couverture:
Le voyage d’Octavio est celui d’un analphabète vénézuélien qui, à travers d’épiques tribulations, va se réapproprier son passé et celui de son pays. Le destin voudra qu’il tombe amoureux de Venezuela, une comédienne de Maracaibo, qui lui apprend l’écriture. Mais la bande de brigands « chevaleresques », menée par Rutilio Alberto Guerra, pour laquelle il travaille, organisera un cambriolage précisément au domicile de sa bien-aimée. Avant que ne débute un grand voyage dans le pays qui porte son nom. Octavio va alors mettre ses pas dans ceux de saint Christophe, dans ceux d’un hôte mystérieux, dans ceux d’un peuple qu’il ignore.
Car cette rencontre déchirante entre un homme et un pays, racontée ici dans la langue simple des premiers récits, est d’abord une initiation allégorique et amoureuse, dont l’univers luxuriant n’est pas sans faire songer à ceux de Gabriel García Márquez ou d’Alejo Carpentier.
Mon avis :
Le voyage d’Octavio est le premier roman d’une jeune auteur vénézuélien de vingt sept ans qui écrit en français. Est-ce pour cela qu’il parvient à nous plonger dans un univers si particulier ?
Le roman commence par l’évocation de l’Histoire avec une épidémie de peste arrivée avec ce bateau en provenance de LaTrinidad en août 1908 à La Guaira au Venezuela pour de suite embrayer avec le mythe de la procession avec la statue de Saint Paul et du citronnier d’un habitant créole qui donna le nom au village, Saint Paul du Limon.
Plus tard, lorsque le village s’est agrandi, que l’église fut abandonnée et le citronnier abattu, nous faisons la connaissance de Don Octavio, un habitant analphabète des bidonvilles.
» Simple, il vivait cette simplicité comme une identité. Il avait cet air d’oubli, ou peut-être de tendre mégarde, qu’ont souvent les rêveurs. Il ignorait la sensation du grain de papier et le parfum des vieux livres. Il avait appris à deviner les horaires de bus à leurs heures de pointe, les marques aux motifs des emballages, l’argent à la couleur des billets. Il calculait le montant d’un achat en lisant dans les yeux du vendeur la confiance qu’il mettait dans les siens. »
Octavio, sous sa rude charpente, cueille de suite le lecteur avec sa honte de l’illettrisme, ses ruses pour la cacher et sa façon un peu sauvage et déconcertante d’emmener sa table où le médecin a écrit sa prescription chez le pharmacien.
» Personne n’apprend à dire qu’il ne sait ni lire ni écrire. Cela ne s’apprend pas. Cela se tient dans une profondeur qui n’a pas de structure, pas de jour. C’est une religion qui n’exige pas d’aveu. »
Même si Venezuela, une femme à la voix puissante lui apprend quelques rudiments, Octavio est davantage un lecteur de la nature.
» La terre était noire, lourde et grasse…Octavio y lisait là l’oiseau à la trace de ses pattes, la souris à ses débris, la mule à l’empreinte du sabot. »
C’est lors de son voyage forcé, contraint à l’exil suite à un cambriolage, que le personnage d’Octavio va révéler sa force mythique.
Compagnon d’un enfant débrouillard, puis passeur d’un torrent tumultueux, « enseignant » dans un village de familles créoles et indigènes, Octavio renoue avec les éléments pour trouver enfin la force de retourner à Saint Paul du Limon, là où il n’a plus de maison mais encore une église restaurée en théâtre.
« Dans sa marche, il avait pour le monde un dévouement presque poétique. Certains parlaient d’un géant né d’un torrent, d’autres d’un esclave arraché à la liberté. Quand on lui demandait, il répondait qu’il venait de la terre. »
Octavio avec sa puissance et sa sincérité est l’ami de tous ceux qui le croisent, » le mystère de servitude où ce géant puisait sa force » oblige au respect.
» Chaque peuple a sa plaie fondatrice : la nôtre est dans l’effondrement de notre histoire. Nous avons dû nous tourner vers le mythe pour la reconstruire. »
Le mythe est à la fois dans la reconstruction de l’église en théâtre et dans la force tranquille de ce colosse analphabète mais si riche de la connaissance de la nature.
» Ainsi, à Campanero, l’écriture n’était pas née de l’homme. Elle était née de cette nature sans raison, où rien ne vient empêcher la soif tropicale de grandir, de s’étendre, de s’élargir dans une ivresse sans mesure. Elle était née de cette frénésie, qui fait plier le genou à toutes les abondances, à toutes les démesures. »
Les personnages haut en couleurs comme Guerra, le voleur poète, les descriptions très précises qui suggèrent si facilement les images et l’ambiance un peu « baroque tropicale » des lieux et surtout cette vision de la nature qui peut guérir tous les maux ajoutent une dimension supplémentaire à ce personnage symbolique de Don Octavio.
J’aime beaucoup les personnages comme Don Octavio, force de la nature mais d’une grande sensibilité, prêt à servir son prochain sans jamais porter de jugement, menant sa route imperturbable jusqu’à sa vérité profonde, son osmose avec la nature.
Miguel Bonnefoy conclut son roman avec une fin inattendue qui boucle parfaitement le sens du voyage initiatique d’Octavio.
Le style d’une grande richesse, le récit teinté d’humour, de poésie et d’émotion font de ce premier roman un texte incontournable de cette rentrée d’hiver.
Commentaires
J’aime ton commentaire et je note ce livre
Je l’ai repéré grâce à Augustin Trappenard sur Canal puis sur France Inter.
Je n’avais pas repéré ce livre mais il me tente beaucoup maintenant 🙂
Et moi, je dis merci Augustin
Il est sur ma PAL, j’en entends beaucoup de bien! Merci de ton avis. 🙂
J’ai hâte de lire ton avis. Bonne lecture
Je l’avais repéré, je tourne autour, je vais sans doute craquer ;o)
Il y a de la progression dans tes phrases. Tu es sur le bon chemin…et je terminerais par » tu vas sans doute aimer. »