SchlinkTitre : La femme sur l’escalier
Auteur : Bernhard Schlink
Littérature allemande
Titre original : Die frau auf der treppe
Traducteur : Bernard Lortholary
Éditeur : Gallimard
Nombre de pages : 258
Date de parution : 3 mars 2016

Lors d’un voyage professionnel à Sydney, un avocat ( le narrateur) reconnaît lors d’une visite à l’Art Gallery, le tableau de Karl Schwind, La femme sur l’escalier. Il ne pensait pas retrouver un jour ce tableau qui, quarante ans plus tôt, fut l’objet d’un contrat loufoque au début de sa carrière d’avocat. Il se souvient encore de ce couple, le peintre Karl Schwind et Irène, venu à son cabinet pour se plaindre de la dégradation du tableau par le riche industriel, Peter Gundlach.
Le peintre avait représenté la femme de Gundlach, Irène, descendant nue un escalier. Celle-ci avait ensuite quitté son mari pour s’installer avec le jeune peintre.
 » Un vieil homme riche fait peindre sa jeune femme par un jeune peintre, ces deux tombent amoureux et partent ensemble. Un cliché, n’est-ce pas? »
Peut-être, si cette affaire s’arrêtait là. Mais ce n’est pas l’intention de l’auteur.
Les deux hommes se querellant pour la propriété du tableau et de son modèle, Gundlach propose à l’avocat de rédiger un contrat en vertu duquel il récupère sa femme en échange du tableau. L’avocat amoureux accepte d’aider Irène à s’échapper avec le tableau. Comment diable se retrouve-t-il aujourd’hui à Sydney? Une rapide enquête permet de retrouver Irène, en situation irrégulière sur une île proche de Rock Harbour. Notre avocat, toujours amoureux de la belle qui lui a fait faux bond dans sa jeunesse, s’empresse de la rejoindre pour comprendre le passé.
Il y retrouve une femme vieillissante, affaiblie par la maladie mais toujours dynamique pour soigner les habitants de l’île et s’occuper des jeunes en détresse. Très vite, avant que son corps ne la lâche, Irène fait aussi venir sur l’île Gundbach et Schwind.
 » Je veux savoir ce qui est resté. Et ce qui, à l’époque…N’étais-je réellement qu’une conquête et une muse, pour eux? Et pour moi, qu’est-ce qu’ils étaient? Je pense que j’ai dû aimer chez eux l’opiniâtreté, l’âpreté avec laquelle Peter voulait devenir toujours plus riche et plus puissant, et Karl voulait peindre le tableau parfait….Je serais déjà contente si je les reconnaissais. Et si je retrouvais en moi pourquoi je les ai aimés. Pourquoi je les ai quittés. Ma vie, je la sens comme un vase qui est tombé par terre et s’est brisé en morceaux. »
Trois hommes, trois conceptions différentes du monde. Réunis comme des « hôtes incompatibles« , maintenant devenus vieux, ils s’opposent sur la nostalgie du passé et le mouvement du monde actuel, un monde sans alternative depuis la fin de la guerre froide selon Gundlach. L’art peut-il figer ce mouvement du monde?
Schwing et Gundlach, incapables une fois de plus de tenir compte des désirs d’Irène, regrettant simplement qu’elle fut l’échec de leur vie.
 » Les grandes défaites d’autrefois ont réorienté notre vie dans une direction nouvelle. Les petites ne nous changent en rien, mais elles nous suivent et nous tourmentent, petits aiguillons obstinés dans notre chair. »
Seul le narrateur est encore ému par le corps vieillissant d’Irène. Pour elle, il invente et raconte la vie qu’ils auraient pu avoir ensemble si les choses avaient été différentes. Oublier le passé et la maladie qui la ronge pour lui créer un autre avenir. Ces moments de complicité entre le narrateur et Irène sont, pour moi, les plus beaux passages de ce roman.

Ce qui démarre comme une situation un peu loufoque se concrétise ensuite en une grande histoire romanesque et lucide sur les regrets du passé, l’envol de la jeunesse et les occasions manquées. Les personnages de Gundlach et Schwind stigmatisent le monde cupide et égoïste, embourbé dans un capitalisme immobile.
Irène représente l’érotisme, le rêve de l’engagement pour une grande cause.
Seulement, comme souvent dans les livres de Bernhard Schlink, il y a une ombre dans le passé d’Irène. Entre le moment où elle fut cette jeune femme pétillante de vie, femme d’un riche industriel, muse d’un jeune peintre, puis princesse en détresse pour l’avocat narrateur et celui où on la retrouve en Robinson Crusoé altruiste sur une île australienne. Qui était cette femme au foulard et lunettes noires recherchée en Allemagne et enfuie en RDA? J’aurais aimé en savoir davantage sur le passé d’Irène.
Mais est-ce là la question? Ne faut-il pas voir simplement dans ce livre le regret d’un instant de jeunesse à jamais figé sur la toile d’un artiste.

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Auteur

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Commentaires

18 mars 2016 à 11 h 21 min

je crois que je n’ai jamais lu cet auteur! Ton billet m’en donne envie!



    18 mars 2016 à 16 h 49 min

    Je suis contente de faire découvrir un auteur à de nombreux lecteurs. Sur mon blog, tu trouveras les chroniques de trois autres livres : Le liseur, Week-end et un recueil de nouvelles, Mensonges d’été. Tu trouveras peut-être celui que tu préfères.



18 mars 2016 à 11 h 56 min

J’aime bien l’intrigue. Je n’ai rien lu de cet auteur mais j’ai adoré l’adaptation du Liseur.





18 mars 2016 à 15 h 10 min

Un auteur que je ne connais pas. Quel titre me conseillerais-tu ?



    18 mars 2016 à 16 h 45 min

    Beaucoup conseilleront Le liseur mais je te vois plutôt avec Week-end ou si tu aimes les nouvelles, Mensonges d’été. Les trois chroniques sont sur mon blog. Maintenant, je suis loin d’avoir tout lu de cet auteur.



18 mars 2016 à 19 h 18 min

Je sais que tout le monde aime beaucoup Le liseur, mais j’ai vraiment aimé Week-end. Du coup, je pense lire ce dernier roman aussi.



cosmik
25 mars 2016 à 20 h 30 min

Votre résumé est très fidèle à ce très beau roman, contrairement à celui de l’éditeur. Et je me permets de relever un seul petit contresens : c’est parce que le personnage d’Irène est recherché par la RFA qu’elle se cache sous un faux nom en RDA jusqu’à la réunification, puis quitte l’Europe. Comme dans tous ses romans, Schlink fait référence à l’histoire de l’Allemagne, cette fois-ci d’une manière particulièrement subtile, peut-être un peu moins facile à comprendre quand elle n’est pas familière.



    25 mars 2016 à 21 h 59 min

    Je vous remercie pour votre précision. Je ne suis pas allée jusqu’au contresens ( enfin me semble-t-il) puisque je me limite à ce qui est écrit dans le roman. C’est à dire la description de cette photo d’une femme avec un foulard sur la tête et des lunettes noires prises en RDA. Ce qu’on ne sait pas exactement, c’est effectivement qui la recherche et pourquoi (tout juste effleuré en supposition). J’aurais aimé en savoir davantage et je vous remercie pour ce commentaire qui m’éclaire un peu.
    Les épisodes sombres des deux Allemagne sont effectivement une constante chez l’auteur. Et c’est cette ombre qui donne une densité particulière aux romans de l’auteur.



      cosmik
      26 mars 2016 à 0 h 28 min

      Irène est recherchée pour ses activités illégales (RAF) pendant les années de plomb. La photo n’a pas été prise en RDA (Grundlach a vu l’avis de recherche et a reconnu sa femme), mais avant qu’elle ne s’y réfugie et n’y recommence une nouvelle vie.



      26 mars 2016 à 9 h 09 min

      Oui, tu as raison.  » photo prise par un radar ( page 148)  » et ensuite RDA jusqu’à la chute du mur.
      Merci pour ce complément d’information



26 mars 2016 à 10 h 33 min

J’aimerais beaucoup continuer à découvrir cet auteur.



16 avril 2016 à 10 h 46 min

J’ai bien aimé Le liseur et vais de ce pas mettre ce nouveau roman dans ma liste des ouvrages à lire!



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