Titre : Grichka
Auteur : Laure des Accords
Éditeur : Verdier
Nombre de pages : 128
Date de parution : 18 août 2016
Nous faisons connaissance avec Grichka, un adolescent taciturne aux yeux gris caché derrière ses longs cheveux noirs dans une salle de classe. Nous sommes après la Second Guerre Mondiale puisque dans la salle un portrait d’une jeune déportée fixe les enfants.
» A la maison, son père et sa mère lui sont étrangers. Et lui-même, il est un fantôme d’enfant sans histoire, sans route tracée sous ses souliers. »
Avec un récit polyphonique, Laure des Accords tisse petit à petit l’histoire de cette famille. Chacun semble survivre en se cherchant une activité qui l’éloigne de cette famille qui porte un lourd passé.
Au fil des chapitres, nous comprenons l’angoisse de Mika, le père, un ancien docker qui passe son temps à boire des coups chez Gino, les doutes d’Anna, la mère, le désarroi de Madame Kerouani, la professeur du lycée qui est en train de perdre deux êtres chers et voit en Michka un adolescent attirant.
Mais Grichka découvre deux passions, celle du théâtre ( il rêve de jouer Caligula) et celle pour Madeleine, une adolescente de sa classe.
Grichka et Madeleine, » deux enfants qui ont découvert l’amour, qui ont peur et qui sont en train de comprendre qu’à la fin d’une vie on n’a pas fini d’aimer encore, que le temps d’apprendre à vivre le corps se farde de mensonges et que les plaies de l’enfance, un jour vont se rouvrir. »
Et puis, il y a Babou, Evguenia, la mère d’Anna. Elle vit au premier étage de la maison de Grichka, elle est sa seule confidente. Derrière ses travaux d’aiguilles, elle cache son secret matérialisé par une chaîne en argent au bout de laquelle pend un dé rouge. Son histoire est romanesque et tragique.
J’ai aimé le style poétique de l’auteur qui prend encore plus d’ampleur dans les paragraphes consacrés au Chœur ( symbole du théâtre de la Grèce antique). Même si l’on se perd facilement dans ce récit polyphonique et cette façon de construire l’intrigue par petites touches, le flou et la poésie laissent mon esprit construire et comprendre ce récit d’apprentissage. Et si il manque quelques mailles à cette jolie toile ( notamment le rôle de Lazare Monticelli), l’impression finale n’en est pas moins belle.
Sans toutefois l’égaler, j’ai retrouvé ici la fragilité de certains petits romans de Jeanne Benameur.
Voici un roman qui ne sera pas parmi les plus cités de la rentrée littéraire mais qui mérite de s’y attarder.
Le Chœur
Il est temps
Maintenant
De déposer les armes
Trouer de la laine et des cœurs
Blesser des mots sur le papier
Griffer des nappes rondes
Et lever des bâtons
Ce n’est pas ce que l’on attend de vous
Refermer des armoires
En silence
Recouvrir des lits froids
En pleurant
Chercher dans le ciel blanc
Des semblants de réponse
Ce n’est pas ce que l’on attend de vous
Il est temps
Ne croyez-vous pas
De déposer
Vos armes
Commentaires
Une maison d’éditions que j’apprécie beaucoup
Je suis contente de leur avoir fait une place en cette rentrée littéraire.