Titre : Le petit joueur d’échecs
Auteur : Yôko Ogawa
Littérature japonaise
Titre original : Neko wo daite zô to oyogu
Traducteur : Martin Vergne
Éditeur : Actes Sud
Nombre de pages : 336
Date de parution : mars 2013
Itinéraire d’un enfant spécial
A la mort de leur mère divorcée, deux frères sont recueillis par les grands-parents maternels. Dans leur maison modeste et étriquée règne beaucoup d’amour entre ce grand-père ébéniste et la grand-mère sensible qui ne se sépare jamais d’un chiffon aux multiples usages. Celui qu’on appèlera « le petit joueur d’échecs » est un garçon très particulier. Il est né avec les lèvres soudées. Même après son opération, il parle peu. De surcroît, suite à la greffe de peau, des poils disgracieux poussent sur ses lèvres. Bien évidemment, les autres enfants se moquent de lui à l’école et il devient un enfant très solitaire.
Une belle rencontre
La découverte d’un noyé dans la piscine de l’école met l’enfant sur le chemin de celui qui va bouleverser sa vie. Dans la cour du foyer des jeunes travailleurs de la compagnie de bus vit un homme obèse, passionné d’échecs et de sucreries. Le bus dans lequel il vit avec son chat Pion devient le refuge du jeune garçon. Tout ce qu’il a appris sur les échecs vient de lui. A sept ans, il apprend les règles de ce jeu mais surtout sa philosophie.
Si l’on se préoccupe de son petit soi insignifiant, on ne peut pas véritablement jouer aux échecs.
Les échecs, un voyage
A l’intérieur d’un échiquier, on peut voyager bien plus loin qu’en prenant l’avion, tu sais.
En jouant aux échecs, l’enfant trouve un refuge. Là, il peut être lui-même. Il apprend à jouer à l’oreille en s’asseyant sous la table d’échecs avec Pion, blotti dans ses bras. Son maître lui apprend à écrire des poésies, des mélodies en déplaçant ses pièces.
Grandir est un drame
Lorsque le maître meurt, il est devenu si gros qu’il est impossible de le sortir de son bus. Tout comme cette éléphante obligée de rester sur le toit d’un centre commercial jusqu’à sa mort. L’enfant en conclut que grandir est un drame. Il a onze ans et il ne grandira plus! Avec la table du maître, le grand-père construit un automate dans le ventre duquel « le petit joueur d’échecs » se loge pour affronter ses adversaires.
Little Alekhine
Ne pas grandir, resté caché comme Miira, cette petite voisine prisonnière entre deux murs de maison, mais vivre au rythme des déplacements sur un échiquier. Car le jeu est sa vie, sa source de belles rencontres avec d’autres passionnés. Surtout avec les pensionnaires d’une maison de retraite pour anciens joueurs dans laquelle il travaille. Des êtres qui n’ont plus dans leur vie que quelques objets dont ils ne peuvent se séparer. Pour apaiser leurs insomnies, ils descendent jouer avec Little Alekhine, le poète des échiquiers. Inutile de comprendre les transcriptions des parties d’échec, l’important est de sentir ce qui se joue humainement lors d’une partie. Une sensation d’exister encore, une occasion d’oublier la difformité, la solitude de la vieillesse.
Yoko Ogawa construit un conte merveilleux, un roman d’initiation dans lequel les personnages oublient leurs peines le temps d’une partie d’échecs.
J’ai lu ce roman en hommage à Goran, un blogueur-lecteur sympathique disparu trop tôt. Aujourd’hui il fêterait l’anniversaire de son blog. Il souhaitait lire ce roman, il l’aurait sans aucun doute apprécier. J’espère que là où il est, il entendra les échos de cette lecture commune organisée par Eva.
Chroniques de Bibliofeel, Patrice et Eva,
Commentaires
Comme toi, j’ai été séduite par la singularité de ce roman, son histoire originale, et son étrange atmosphère, à la fois mélancolique et un peu surnaturelle..
Beaucoup de tendresse et d’originalité. En lecture aveugle, je n’aurais pas vraiment reconnu un roman japonais. Qui sont pourtant toujours poétiques et mystérieux comme ici.
Parce que Goran n’est plu ?!
Non malheureusement il nous a quitté début mai. Quelle tristesse! Je ne le connaissais que par le biais de son blog mais j’ai été profondément émue en apprenant cette triste nouvelle.
Un grand merci à toi de nous avoir rejoints pour cette lecture commune en hommage à Goran. Je rejoins ton avis sur ce livre
Modeste participation mais j’espère de tout coeur que les échos de nos lectures lui parviennent. Merci à vous d’avoir organisé cet hommage.